Le Prix Konishi de la traduction de manga japonais en français récompense la traduction d’un titre publié entre octobre 2020 et septembre 2021. L’annonce du lauréat de ce prix s’effectuera durant le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême fin janvier 2022.
Édition 2022
Le lauréat
BLUE PERIOD
Titre : BLUE PERIOD
Titre japonais: ブルーピリオド
Auteur : Tsubasa Yamaguchi
Traduction : Nathalie Lejeune
Editeur : Pika
Genre : seinen
Nombre de volumes : 5
Résumé :
Yatora est un lycéen studieux à qui tout réussit. Pourtant, il ressent depuis toujours une impression de vide en lui. Jusqu’au jour où, par hasard, il tombe sur un tableau qui le subjugue littéralement… Très vite, Yatora réalise que peindre est le seul moyen de faire passer ses émotions et de se révéler. Cet événement le pousse à se livrer corps et âme à la peinture pour tenter le concours d’entrée de la plus sélective des écoles de Beaux-arts !
Commentaire du Premier Jury :
Dans cette œuvre sensible, actuelle et poétique, Nathalie Lejeune arrive à manier les mots pour retranscrire la sensibilité et les questionnements du héros. C’est transparent et touchant. De même les recherches pour clarifier les propos techniques des méthodes artistiques et les rendre accessibles à tous, montre à quel point son travail est important. Grâce à Nathalie Lejeune, Blue Period se dessine aussi par ses mots.
Flavien Appavou (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Sans mauvais jeu de mots, Blue Period est une œuvre d’Art. Tsubasa Yamaguchi relève haut la main le défi d’aborder un thème aussi vaste et subjectif, sans tomber dans une pédagogie rébarbative ou un plaidoyer ostentatoire. Au contraire, elle entraîne le lecteur avec passion, bienveillance, bonne humeur et humour dans son monde et celui de ses personnages atypiques. C’est une œuvre hybride qui met l’art au service du manga, et le manga au service de l’art. Ma principale mission dans cette série est de réussir à retranscrire l’introspection de Yatora tout en préservant le rythme et la fluidité du texte japonais. Quand il peint, Yatora est un autre homme, dévoilant ses faiblesses, mais puisant également dans ses forces. Il faut donc trouver le juste ton. Ses compagnons de route ne sont pas en reste. Le personnage de Yuka me donne du fil à retordre, mais je l’adore !
Nathalie Lejeune
Les nommés
MY BROKEN MARIKO
Titre : MY BROKEN MARIKO
Titre japonais: マイ・ブロークン・マリコ
Auteure : Hirako Waka
Traduction : Alex Ponthaut
Editeur : Ki-oon
Genre : seinen
Nombre de volumes : 1
Résumé :
Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n’en croit pas ses oreilles. Elles s’étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s’est vraisemblablement suicidée…
Tomoyo ne contient pas sa rage : elle doit trouver un moyen de rendre un dernier hommage digne de ce nom à sa seule confidente. Pas question de laisser le père violent de la jeune fille prendre les choses en main ! Bouleversée et confuse, elle se précipite chez lui, vole l’urne funéraire et, malgré les coups, hurle les mots de colère que Mariko a gardés en elle pendant toutes ces années ! Les précieuses cendres sous le bras, Tomoyo se lance dans une course effrénée, en quête de salut pour son amie comme pour elle-même.
Commentaire du Premier Jury :
La traduction d’Alex Ponthaut n’a aucun mal à faire ressortir la personnalité des deux personnages principaux de ce one-shot. My Broken Mariko constitue une réussite exceptionnelle dans la finesse des mots, passant du drame au deuil, aux joies et aux peines. Une véritable broderie de ton et d’ambiance dans laquelle le traducteur passe d’un registre à un autre sans soucis!
Jérôme Marcot (libraire)
Commentaire du traducteur :
Je voulais vous parler de catharsis. De la puissance d’un récit. Du kidoairaku, ce concept japonais de l’émotion qui pourrait littéralement se traduire par “bonheur, colère, tristesse et divertissement” – tous les états de l’affect que j’ai traversés en travaillant sur My Broken Mariko.
Je voulais évoquer la position toujours ambigüe du traducteur, à la recherche d’une histoire qui le transcende et qui, en même temps, lui permette de s’exprimer au point, paradoxalement, de ne pas rechigner à se cacher derrière.
Bref, je voulais vous donner l’impression d’être un type intelligent (non), fasciné par ce qu’il fait (ça dépend) et obsédé par la précision et le détail (oui).
Mais finalement, j’ai choisi de vous donner ceci : 3114
C’est le numéro national français de prévention du suicide, gratuit, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il a été mis en service début octobre 2021. Et c’est autrement plus important que mon nombril et mes états d’âme.
Alex Ponthaut
LES CARNETS DE L’APOTHICAIRE
Titre : LES CARNETS DE L’APOTHICAIRE
Titre japonais: 薬屋のひとりごと
Auteures : Itsuki Nanao, Nekokurage, Natsu Hyuuga
Traduction : Géraldine Oudin
Editeur : Ki-oon
Genre : seinen
Nombre de volumes : 5
Résumé :
À 17 ans, Mao Mao a une vie compliquée. Formée dès son jeune âge par un apothicaire du quartier des plaisirs, elle se retrouve enlevée et vendue comme servante dans le quartier des femmes du palais impérial ! Entouré de hauts murs, il est coupé du monde extérieur. Afin de survivre dans cette prison de luxe grouillant de complots et de basses manoeuvres, la jeune fille tente de cacher ses connaissances pour se fondre dans la masse.
Mais, quand les morts suspectes de princes nouveau-nés mettent la cour en émoi, sa passion pour les poisons prend le dessus. Elle observe, enquête… et trouve la solution ! En voulant bien faire, la voilà repérée… Jinshi, haut fonctionnaire aussi beau que calculateur, devine son talent et la promeut goûteuse personnelle d’une des favorites de l’empereur. Au beau milieu de ce nid de serpents, le moindre faux pas peut lui être fatal !
Commentaire du Premier Jury :
La traduction de Géraldine Oudin arrive à appliquer plusieurs aspects importants au récit en termes d’ambiance. Le contexte de l’époque veut qu’une certaine rigueur et aisance dans les dialogues soient présents, ce qui est le cas. Mais nous avons le côté rafraîchissant et imprévu qu’apporte le personnage principal de Mao Mao. Géraldine jongle parfaitement entre le moderne et l’ancien, ce qui donne une lecture dynamique, fluide et très plaisante.
Sophia Cardoso (libraire)
Commentaire de la traductrice :
Les Carnets de l’apothicaire est un titre seinen à la croisée de différents genres : tranche de vie, historique, policier… le tout saupoudré d’un brin de féminisme.
Il m’a semblé important de préserver le contraste non dénué d’humour entre la déférence dont Mao Mao fait preuve quand elle s’adresse à Jinshi et aux concubines, et le registre plus familier de ses pensées ou de ses échanges avec les personnages issus comme elle d’un milieu plus modeste. J’ai dû résister à la tentation de siniser certains termes, en particulier les noms propres, car l’action se déroulant dans un univers fictif – inspiré de la Chine impériale, mais fictif tout de même – les ayants droit ne le souhaitaient pas. Enfin, même s’il est possible que le manga s’écarte du light novel qui l’a inspiré, il m’a semblé important de le lire pour me plonger dans l’ambiance, mais aussi pour vérifier certaines hypothèses, notamment en ce qui concerne les liens parfois obscurs entre différents personnages, afin de proposer une adaptation aussi pertinente que possible sans pour autant livrer toutes les clés au lecteur français. J’espère être parvenue à mes fins !
Géraldine Oudin
LE RAKUGO, À LA VIE, À LA MORT
Titre : LE RAKUGO, À LA VIE, À LA MORT
Titre japonais: 昭和元禄落語心中
Auteure : Haruko Kumota
Traduction : Cyril Coppini
Editeur : Le Lezard Noir
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 1
Résumé :
Dans le Japon des années 1960, Kyoji est libéré de prison pour bonne conduite. Sans famille ni attache, il est déterminé à devenir le disciple de Yakumo, un grand maître du Rakugo, depuis qu’il a assisté à son impressionnante prestation au centre pénitentiaire. Étrangement, le maître choisit de prendre le jeune homme sous son aile, alors qu’il n’avait jusque-là accepté aucun apprenti, et lui donne même un nom de scène : « Yotaro ». Une nouvelle vie s’ouvre dès lors à Yotaro, qui tentera de faire perdurer cet art l’ayant tant aidé durant ses heures les plus sombres. Il pourra compter sur le soutien du domestique Matsuda et de la jeune Konatsu, fille d’un célèbre rakugo-ka décédé de façon tragique, qui fut autrefois l’ami et le rival de Yakumo…
Commentaire du Premier Jury :
Le Rakugo est un art avec un humour très sophistiqué avec des codes et des valeurs. Cyril le pratiquant, son adaptation et traduction permet de comprendre les méandres de cet art si codifié et tellement riche à la fois.
Flavien Appavou (journaliste)
Commentaire du traducteur :
J’ai longtemps pensé que la barrière de la langue empêcherait le Rakugo de s’exporter. À cause des jeux de mots qui constituent la chute de nombreuses histoires, bien sûr, mais aussi parce que ce sont plus de deux siècles de culture qui sont ancrés et exprimés dans ce vaste répertoire.
Heureusement, la langue française est riche et précise.
Pourquoi traduire ce titre, sorti au Japon en 2012, maintenant ?
Cet art ne s’appréhende pas et ne se travaille pas de la même façon à 20, 30, 40 ou 50 ans. La qualité de l’interprétation d’une même histoire s’enrichit au fil des expériences, heureuses et malheureuses, du rakugoka. C’est pourquoi certaines sont proscrites aux débutants – zenza – et réservées aux grands maîtres.
Cette traduction n’aurait, de même, présenté la même maturité si elle avait été entreprise quelques années plus tôt.
Cyril Coppini
LE MANDALA DE FEU
Titre : LE MANDALA DE FEU
Titre japonais: 焔色のまんだら
Auteure : Chie Shimomoto
Traduction : Aline Kukor
Editeur : Mangetsu
Genre : seinen
Nombre de volumes : 1
Résumé :
Magnifié par le dessin spectaculaire de Chie Shimomoto, Le Mandala de feu déploie l’histoire de Tôhaku Hasegawa, peintre légendaire et sorte de réincarnation nippone du Caravage au sortir de la période Sengoku et de la destitution du dernier Shogun du Japon.
D’abord moine bouddhiste dans la péninsule de Noto, Tôhaku se rend à Kyoto pour tenter de devenir le disciple d’Eitoku Kanô, peintre légendaire du Kansai. En vain. Mais il en faut plus pour le décourager, et la découverte que le jeune artiste va faire dans un château d’Azuchi en proie aux flammes pourrait bien changer le cours de sa vie.
Commentaire du Premier Jury :
Cette biographie de Tôhaku Hasegawa nous fait sans cesse passer de l’impertinence amusante au drame, du déclin au sursaut, de l’impuissance désespérée aux pulsions créatrices dévorantes… Il n’était pas évident de traduire un manga où se bousculent autant de couleurs et d’émotions fortes. Ce n’est pas la seule réussite de la traduction-adaptation de Aline Kukor, qui a également su mettre des mots sur cette lutte constante entre lyrisme et prosaïsme qui caractérise Le Mandala de Feu, à travers sa figure centrale.
Le portrait du peintre était d’autant plus épineux qu’il est interrompu par des ellipses et s’étale sur une dizaine d’années dans ce one-shot de 220 pages. La version française de Aline Kukor joue dès lors un rôle crucial : traduire l’ampleur des changements et des tourments que traverse Tôhaku Hasegawa, avec un langage d’où émergent la sensibilité de l’artiste et ses doutes philosophiques, d’ordinaire dissimulés derrière ses manières débraillées et son oralité brute.
Laurent Lefebvre (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
L’Histoire du Japon, ce n’est à priori pas le domaine où je me sens le plus à l’aise. J’ai eu un peu peur quand on m’a proposé la traduction de ce titre, mais j’ai tout de suite été happée par son côté poétique et par la beauté de ses planches. L’échec, la détermination sans faille, la rivalité, la famille… Le Mandala de Feu est un titre qui aborde différents thèmes de manière très intense.
J’ai pris énormément de plaisir à plonger au cœur de ce récit pour tenter de retranscrire les émotions qui s’en dégagent avec le plus de justesse possible. J’ai également passé de longues heures à lire différentes pages et articles sur les courants de peinture de l’époque, sur certaines œuvres, et sur la vie de Tôhaku Hasegawa. Il a fallu trouver un juste-milieu entre adaptation et notes de bas de page, pour expliquer certaines techniques sans jamais sortir le lecteur de l’histoire.
Aline Kukor
LA DÉCHÉANCE D’UN HOMME
Titre : LA DÉCHÉANCE D’UN HOMME
Titre japonais: 人間失格
Auteur : Junji Itô
Traduction : Jacques Lalloz
Editeur : Delcourt Tonkam
Genre : seinen
Nombre de volumes : 3
Résumé :
Yôzô Ôba souffre énormément du regard que les autres portent sur lui et ne comprend pas le bonheur de son entourage. La solution qu’il finit par trouver pour s’en guérir : se transformer en bouffon. C’est ainsi que s’écoulent ses jours, à se vouer à ce rôle de clown empli de souffrance. « Extérieurement, le sourire ne me quittait pas intérrieurement, en revanche, c’était le désespoir. »
Commentaire du Premier Jury :
Une traduction fine qui arrive, tout en restant claire, a rappeler le style du roman dont le manga est tiré. Une lecture fluide, mais qui reste très « littéraire » sans être élitiste.
Florence Torta (auteure)
Commentaire du traducteur :
Avant tout, je voudrais partager cette nomination avec Delcourt/Tonkam qui ont eu le courage de publier un tel texte (après d’autres, plus courts certes mais d’une grande valeur et superbement illustrés). J’ai sauté sur l’occasion lorsqu’on me l’a proposé. En effet, je n’avais fait jusque-là quasiment que des centaines de mangas classiques (i.e. non littéraires) et j’aime la difficulté, ainsi que la diversité. J’avoue que, durant mes études, ce texte m’a paru rébarbatif… Je parle du texte français – n’ayant attaqué l’original que bien plus tard.
Autre raison pour laquelle je l’ai accepté, l’auteur de ce manga est Junji Itô, dont j’ai commis une bonne quinzaine de traductions. Je ne l’ai lu qu’une fois mon acceptation mais je n’ai pas été déçu ! J’adore Junji Itô et ses histoires doucement horrifiques, traitées selon un découpage intelligent. La Déchéance d’un homme en a bénéficié : l’auteur a su suivre de façon magistrale l’avancée du héros (anti-héros ?) dans ses divagations entre autobiographie et fiction sans céder au nombrilisme de bien des auteurs d’alors, dans sa chute progressive dissimulée sous son masque de “bouffon”, un humour (noir) que Junji Itô sait si bien rendre.
Jacques Lalloz
L’ENVOL
Titre : L’ENVOL
Titre japonais: フライト
Auteure : Kuniko Tsurita
Traduction : Léopold Dahan
Editeur : Atrabile
Genre : seinen
Nombre de volumes : 1
Résumé :
L’Envol présente sur 496 pages un panorama très représentatif de l’œuvre de Kuniko Tsurita, et la trentaine d’histoires qui composent ce recueil montrent l’évolution d’une artiste au parcours et au profil atypiques, et dont le travail se rattache en grande partie au mouvement du gekiga. Réalisées entre 1965 et 1981, ces histoires courtes dessinent en creux le portrait d’une artiste en prise directe avec son époque; des histoires de science-fiction en vogue dans les années 60 à des récits aux accents autobiographiques, de moments plus expérimentaux et poétiques aux interrogations franchement politiques et féministes. L’Envol nous permet de découvrir une des voix les plus singulières, et attachantes, du manga d’auteur.
Commentaire du Premier Jury :
Voici un superbe document que ce recueil de Kuniko Tsurita, l’une des rares dessinatrices de la revue avant-gardiste Garo. Décédée prématurément en 1985, cette plume libre au trait élégant, s’essaya à de nombreux registres et thèmes, sans concession : SF, chronique sociale, ésotérisme, politique, féminisme… C’est donc un délicat travail de traduction qu’il a fallu opérer pour ne pas dénaturer ou délaver le travail de cet esprit exigeant et affûté, qui prouve, s’il le fallait, que le manga féminin offre bien plus que des bluettes pour adolescents.
Pauline Croquet (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Kuniko Tsurita est une autrice dont la modernité donne encore le vertige plus de 30 ans après sa disparition, au point de faire passer le gros de la production actuelle comme passéiste. Autrice protéiforme et fille terrible du gekiga, l’éclectisme de ses références va de Radiguet à Murray Leinster, en passant par le Manyôshû et le marquis de Sade, ce qui m’a demandé un travail de recherche aussi colossal que passionnant pour s’assurer de restituer correctement la générosité les indices qu’elle présente aux lecteurs. Ma tâche principale a été de conserver la cohérence un corpus de près de 500 pages qui mélange des thèmes allant de la science-fiction, de l’expérimentation pop-art, de la poésie graphiques à l’ésotérisme, l’homosexualité, l’avant-garde et les contestations étudiante, ce qui m’a évidemment demandé de faire le grand-écart entre des registres de langage très différents.
Pour l’anecdote, le japonais ne connaissant ni le masculin ni le féminin, il est absolument impossible de trancher définitivement sur le sexe de la plupart de ses personnages, comme si Tsurita cherchait volontairement à brouiller les pistes. Tous ces choix relèvent donc de décisions personnelles. Quand c’était possible, j’ai conservé l’indétermination du japonais, pour laisser à l’imagination des lecteurs le genre des protagonistes.
Léopold Dahan
ENTRE LES LIGNES
Titre : ENTRE LES LIGNES
Titre japonais: 違国日記
Auteure : Tomoko Yamashita
Traduction : Pascale Simon
Editeur : Kana
Genre : josei
Nombre de volumes : 8
Résumé :
À 15 ans, Asa perd ses parents dans un accident de voiture. Elle est recueillie par sa tante Makio, 35 ans, sœur cadette de sa mère. Makio est autrice de romans pour adolescentes, mais elle vit plutôt en recluse, car elle n’est pas à l’aise en société. L’arrivée d’Asa va bouleverser la vie des deux femmes.
Asa découvre soudain le monde hors de son cocon familial et n’est pas habituée à quelqu’un comme sa tante, qui lui parle avec autant de franchise, quoique souvent avec maladresse. Makio, de son côté, n’est pas familière d’une cohabitation avec quelqu’un à qui il faut montrer la voie.
Chacune va ainsi devoir faire un travail sur soi. L’une pour faire le deuil de ses parents disparus trop soudainement et s’ouvrir au monde. L’autre pour accepter la présence d’une autre personne dans son quotidien et approfondir la question du sens de la famille et des liens qu’elle induit et des sentiments qui s’y rattachent.
Commentaire du Premier Jury :
L’économie de mots est au cœur de l’écriture de ce double portrait de femmes, réunies dans un même appartement à l’issue de circonstances tragiques. Makio et Asa n’ont que les liens du sang en commun et Tomoko Yamashita a bâti son manga sur le contraste entre deux personnalités, deux mondes intérieurs.
Un personnage tel que Makio, romancière trentenaire et solitaire, incarnait un vrai défi de traduction – personnalité ombrageuse et peu sociable, elle parle tantôt difficilement, tantôt avec une franchise âpre, au mépris des conventions sociales… sans non plus être insensible.
Pascale Simon a trouvé les mots et les tournures de phrase pour étayer et nuancer ce portrait en français, sans négliger les failles dans la carapace de Makio. En parallèle, pour exprimer l’immense vide intérieur où Asa est happée depuis la mort de ses parents, sa traduction joue sur un tout autre registre, marqué par la fragilité de l’adolescence, la confusion et l’incapacité à cerner ses sentiments. Avec précision et délicatesse, Pascale Simon transmet ainsi le propos de l’autrice : « Ce que tu éprouves n’appartient qu’à toi ».
Laurent Lefebvre (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Travailler sur cette série a constitué, entre autres, une réflexion sur ce qu’est la réalité d’un auteur : comment accéder à la justesse de la phrase, comment trouver sa voix, sa vérité, et l’exprimer sans se trahir ou se laisser tenter par les effets de style ? Ces questions ont guidé ma traduction. Le questionnement de Makio, l’auteure, sur son travail, fait écho aux questionnements d’Asa, l’adolescente, qui va progressivement accéder à une forme d’apaisement et trouver sa vérité.
La recherche de la justesse de la phrase dans la traduction était donc d’autant plus importante, et elle m’a parfois obligée à sabrer dans mon texte.
D’un autre côté, il fallait rendre compte de la légèreté (de la futilité ?) des conversations à bâtons rompus, émaillées de petits riens qui en constituent le sel : remarques spirituelles ou ironiques, apartés, néologismes et vocabulaire éphémère emprunté à la langue des adolescents ou au jargon des forums sur Internet.
Autant certains passages sont profonds, voire sombres, et nécessitent une sobriété dans l’écriture, autant d’autres sont légers, exubérants, et requièrent une fantaisie équivalente dans la traduction. L’œuvre oscille entre ces deux pôles et je me suis appliquée à respecter cette alternance.
Pascale Simon
DON’T CALL IT MYSTERY
Titre : DON’T CALL IT MYSTERY
Titre japonais: ミステリと言う勿れ
Auteure : Yumi Tamura
Traduction : Patrick Honnoré, Yukari Maeda
Editeur : Noeve Grafx
Genre : seinen
Nombre de volumes : 3
Résumé :
Don’t call it Mystery nous entraîne aux côtés d’un singulier Sherlock Holmes des temps modernes. L’action fait ici place à la réflexion, à l’écoute et à la parole. Totono observe, analyse, déduit et conseille, avec une franchise frôlant parfois l’impertinence. Il pourrait sembler hautain, mais n’émet jamais de jugement, quelles que soient ses conclusions. Il est jeune et réservé, mais pose une regard éclairé surs ses contemporains. Et l’on élucide à ses côtés autant de petits tracas quotidiens, souvent révélateurs de la société japonaise, que de crimes sordides.
Commentaire du Premier Jury :
Avec ses deux précédentes séries parues en France (partiellement, pour l’une), on le savait déjà, Yumi Tamura aime les mots et les personnages bavards. En réalité, ce n’était rien comparé aux tirades de Totonō, le personnage principal de Don’t call it mystery ! Dans ce titre à la mise en scène volontairement minimaliste, presque tout repose sur les mots, le phrasé, le mystère, l’ambiance. Avec un côté très théâtral, l’autrice déroule le fil de la pensée d’un jeune étudiant prolixe qu’il fallait oser suivre et retranscrire en langue française. Traducteurs de littérature japonaise et de mangas de longue date, Patrick Honnoré et Yukari Maeda ont l’habitude de travailler en tandem et de se confronter aux textes denses et complexes. Cela se sent dans leur travail d’adaptation fluide qui reste prenant malgré la profusion de bulles et d’informations… Sacré tour de force !
Rémi Inghilterra (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Les scénarios complexes, rythmés, et en même temps légers comme une plume, on adore. Quand, en plus, la série jongle avec les thématiques les plus clivantes et tire le lecteur vers le haut, ça s’appelle un ovni. Moi qui avais toujours rêvé en voir un… D’ailleurs, c’est un peu aux traducteurs de le faire voler, cet ovni. La moindre phrase court sur quatre ou cinq bulles, dont certaines (les premières, sinon ce serait trop facile) ne peuvent contenir qu’un ou deux mots. Plus des apartés hors-bulles qui répondent à une réplique trois cases avant. C’est assez technique à traduire, mais très gratifiant. D’ailleurs, c’est notre critère numéro un : si on rigole en se relisant, c’est que nous ne sommes pas trop loin de la solution.
Patrick Honnoré
BLUE PERIOD
Titre : BLUE PERIOD
Titre japonais: ブルーピリオド
Auteur : Tsubasa Yamaguchi
Traduction : Nathalie Lejeune
Editeur : Pika
Genre : seinen
Nombre de volumes : 5
Résumé :
Yatora est un lycéen studieux à qui tout réussit. Pourtant, il ressent depuis toujours une impression de vide en lui. Jusqu’au jour où, par hasard, il tombe sur un tableau qui le subjugue littéralement… Très vite, Yatora réalise que peindre est le seul moyen de faire passer ses émotions et de se révéler. Cet événement le pousse à se livrer corps et âme à la peinture pour tenter le concours d’entrée de la plus sélective des écoles de Beaux-arts !
Commentaire du Premier Jury :
Dans cette œuvre sensible, actuelle et poétique, Nathalie Lejeune arrive à manier les mots pour retranscrire la sensibilité et les questionnements du héros. C’est transparent et touchant. De même les recherches pour clarifier les propos techniques des méthodes artistiques et les rendre accessibles à tous, montre à quel point son travail est important. Grâce à Nathalie Lejeune, Blue Period se dessine aussi par ses mots.
Flavien Appavou (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Sans mauvais jeu de mots, Blue Period est une œuvre d’Art. Tsubasa Yamaguchi relève haut la main le défi d’aborder un thème aussi vaste et subjectif, sans tomber dans une pédagogie rébarbative ou un plaidoyer ostentatoire. Au contraire, elle entraîne le lecteur avec passion, bienveillance, bonne humeur et humour dans son monde et celui de ses personnages atypiques. C’est une œuvre hybride qui met l’art au service du manga, et le manga au service de l’art. Ma principale mission dans cette série est de réussir à retranscrire l’introspection de Yatora tout en préservant le rythme et la fluidité du texte japonais. Quand il peint, Yatora est un autre homme, dévoilant ses faiblesses, mais puisant également dans ses forces. Il faut donc trouver le juste ton. Ses compagnons de route ne sont pas en reste. Le personnage de Yuka me donne du fil à retordre, mais je l’adore !
Nathalie Lejeune
AND (&)
Titre : AND (&)
Titre japonais: &
Auteure : Mari Okazaki
Traduction : Aline Kukor
Editeur : Kana
Genre : josei
Nombre de volumes : 5
Résumé :
A 26 ans, Kaoru Aoki est une secrétaire médicale intérimaire. A cause de sa répugnance à être touchée par autrui, elle n’a jusqu’ici jamais eu de vraies relations amoureuses. Mais, à l’hôpital, elle rencontre pour la première fois quelqu’un qui ne la laisse pas insensible : Kôga Yagai, un chirurgien plus âgé qu’elle. Pour changer ce qu’elle est aujourd’hui, Kaoru décide de réaliser son rêve : créer un salon de manucure ouvrant le soir, pour que les femmes actives puissent trouver un endroit où se détendre après une longue journée. L’occasion pour elle de prendre son envol…?
Commentaire du Premier Jury :
Mari Okazaki est une auteure phare et résolument moderne du shôjo manga, et nous présente toujours des femmes torturées dans les relations amoureuses qu’elles subissent ou qu’elles tentent de construire, avec beaucoup de maladresse, d’impulsivité et de contradictions. Ici, Kaoru Aoki débute en tant que jeune entrepreneuse et, à côté de son job alimentaire de secrétaire médicale, ouvre un salon d’esthétique, un rêve personnel. Charmante sans s’en rendre compte, elle piétine le cœur d’un jeune patron surdoué de l’informatique alors qu’elle se fait elle-même malmener par l’un docteur de l’hôpital où elle travaille… Ce dernier refusant de céder – pas toujours avec réussite – à son attirance pour cette demoiselle beaucoup plus jeune que lui. Ce sont tous ses tourbillons d’émotions, de sentiments contraires et contrariés que posent très bien les mots d’Aline Kukor, que ce soit lors des échanges sur le monde du travail et le fait d’être son propre patron, ou lorsqu’il s’agit de parler et de vivre l’amour ; le sexe aussi. Qu’on aime ces personnages ou qu’on les déteste, ils ne laissent pas indifférents !
Paul Ozoul (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
AND (&), c’est l’histoire d’une jeune femme qui a soif d’indépendance malgré les nombreux obstacles sur sa route. Être une femme dans le monde du travail n’est pas toujours facile et c’est probablement encore pire au Japon, où il y a en plus une énorme pression sociale (notamment le « devoir » de trouver un bon mari pour subvenir à ses besoins). Je me suis très vite prise d’affection pour cette jeune héroïne qui, tout en se débattant au quotidien, ne renonce jamais à ses rêves et trace sa route seule. Chaque personnage est très complexe, avec son lot de souffrances, et le plus gros du travail de traduction repose sur les moments d’introspection et sur les monologues intérieurs. Mari Okazaki a une façon bien à elle de raconter ses histoires et de les mettre en page, sans parler de son coup de crayon facilement reconnaissable. J’ai tenté de préserver l’ambiance qui se dégage de ce titre, tout en retranscrivant le plus clairement possible les émotions des personnages.
Aline Kukor