Le Prix Konishi de la traduction de manga japonais en français récompense la traduction d’un titre publié entre septembre 2022 et aout 2023.
Un premier jury composé de 14 grands lecteurs, lectrices, a passé au peigne fin les manga, séries ou one-shot, publiés cette dernière année.
Voici les dix titres nommés à la septième édition du Prix Konishi pour la traduction de manga japonais en français.
Nous vous invitons à découvrir les commentaires du premier jury et des traducteurs en cliquant sur chaque titre ou en vous rendant sur la page « Edition 2024 ».
L’annonce du lauréat de ce prix s’effectuera durant le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême fin janvier 2024.
Édition 2024
Les nommés
UNDER NINJA
Titre : UNDER NINJA
Titre japonais: アンダーニンジャ
Auteur : Kengo Hanazawa
Traduction : Ilan Brunelli
Editeur : Pika
Genre : seinen
Nombre de volumes : 6
Résumé :
Même après des siècles, les ninjas sont parmi nous.
Jouissant autrefois d’un grand prestige, ces combattants émérites avaient disparu après-guerre, leur organisation prétendument démantelée par les Forces Alliées. En réalité, il n’en est rien.
Aujourd’hui, ces maîtres en infiltration, espionnage ou assassinat compteraient près de 200 000 membres : une partie représente une élite prenant part aux conflits à grande échelle, tandis que l’autre peine à se maintenir en activité. C’est le cas de Kurô Kumogakure, jeune shinobi aussi redoutable que désœuvré… Son quotidien de faux oisif bascule le jour où on lui confie enfin une mission : stopper un tueur d’origine russe, prêt à tous les massacres pour infiltrer l’organisation des ninjas.
Commentaire du Premier Jury :
3 langues, 2 rythmes et un très bon travail. Voilà ce que l’on trouve dans la traduction d’Under Ninja par ilan Brunelli. Le manga prend le contre-pied des grandes aventures de ninjas et nous ouvre les portes du quotidien médiocre de Kurô, un ninja de bas étage. L’humour absurde et sarcastique d’Hanasawa s’imbrique habilement dans le flot d’informations de conversations plus sérieuses, plus bavardes. Ce double régime est adroitement géré à l’aide d’expressions, d’adjectifs et d’exclamations particulièrement justes. Les échanges empreints d’un comique à basse tension sont ponctués de punchlines bien senties qui conservent leur puissance. Certains sont insensés, mais les dialogues s’enchaînent avec une grande fluidité. La traduction fait aussi preuve d’une parfaite consistance sur le plan de l’élocution ou des niveaux de langue employés.
Léopold Lavou-Soriano (étudiant)
Commentaire du traducteur :
Je croyais avoir tout lu sur les ninjas, mais Kengo Hanazawa m’a bien prouvé le contraire avec Under Ninja et son univers aussi burlesque que “crédible”. Traduire un manga de cette envergure est autant un régal qu’un défi.
En effet, dans un genre où l’intrigue se dévoile avec parcimonie, il faut savoir rester compréhensible, mais sans trop en dire sur les événements à venir, pour ne pas dénaturer l’œuvre originale.
C’est un véritable travail d’équilibriste, car toutes les pièces du puzzle doivent finir par s’imbriquer au fil des tomes.
Mais pour conclure, ce qui me réjouit le plus avec Under Ninja, c’est de m’atteler à l’adaptation des truculentes scènes de dialogues alcoolisées, aux références japonaises souvent osées, qui dépeignent parfois une société japonaise qu’on s’attendrait plus à retrouver dans certains films de Kore-Eda !
Ilan Brunelli
ROKUDENASHI BLUES
Titre : ROKUDENASHI BLUES
Titre japonais: ろくでなし Blues
Auteur : Masanori Morita
Traduction : Pascale Simon
Editeur : Pika
Genre : shonen
Nombre de volumes : 10
Résumé :
Taison Maeda se réjouit de débarquer au lycée Teiken ! Mais la joie du garçon est de courte durée : dès la rentrée, il frappe un professeur “par mégarde” et se fait renvoyer quelques jours… À son retour, Maeda et ses deux acolytes, Katsuji et Yoneji, se retrouvent rapidement pris dans l’embrouille qui oppose le groupe des supporters et le club de boxe. Les nouveaux élèves vont vite se faire connaître, et surtout, tenter de se faire respecter. Une tâche bien compliquée, surtout lorsque Hatanaka, le capitaine du club de boxe qui avait été exclu, revient au bahut…
Commentaire du Premier Jury :
J’apprécie cette traduction car elle diffère de celle de J’ai Lu lors de la première parution française. C’est moderne sans dénaturer la voix de Masanori Morita. Des choix judicieux ont été faits en changeant certains toc de langage propre à la première traduction qui aujourd’hui auraient rendu la lecture difficile (voire lourde) et ridicule.
Sofia Cardoso (libraire)
Commentaire de la traductrice :
Un des défis posés par la traduction de Rokudenashi Blues était de donner du peps aux dialogues et d’avoir des répliques qui claquent et qui collent au dynamisme de l’action. Or, dans le texte d’origine, certains mots sont répétés constamment, qu’il s’agisse d’insultes telles que baka (« imbécile »), ou d’une poignée de verbes relatifs au combat qui peuvent tous se traduire par frapper, détruire, tuer… Ces répétitions, qui ne posent pas problème au lecteur japonais, sont lassantes si on les transpose en français, mais je me suis beaucoup amusée à chercher des variantes pour composer un langage fleuri et drôle sans tomber pour autant dans une vulgarité systématique. Étant donné que la langue japonaise dispose de relativement peu de gros mots, il m’a fallu trouver un équilibre entre un texte de départ somme toute assez « gentil » du point-de-vue d’un francophone, et une version française plausible plus mordante. Mais cela nécessitait aussi d’éviter certains termes qui, pour l’instant, sont encore très connotés « argot des cités », par exemple.
Pascale Simon
LE ROI DES LIMBES
Titre : LE ROI DES LIMBES
Titre japonais: リンボ ザ キング
Auteure : Ai Tanaka
Traduction : Yohan Leclerc
Editeur : Le Lézard Noir
Genre : seinen
Nombre de volumes : 2
Résumé :
Huit années se sont écoulées depuis l’éradication de la maladie du sommeil qui a fait tant de victimes. Adam, qui était sur le point de prendre sa retraite en raison d’une blessure mortelle lors d’une mission, reçoit une mission spéciale d’un officier supérieur de l’armée. C’est une mission top-secrète liée à la résurgence de la maladie du sommeil qui aurait dû disparaître.
Commentaire du Premier Jury :
La traduction aiguisée de Yohan Leclerc nous permet de cerner avec aisance la complexité qui se dégage de ce monde en proie à une pandémie ainsi qu’aux techniques mises en œuvre pour l’éradiquer. On se familiarise facilement avec les différents termes et autres acronymes que l’on croise au fil de l’ouvrage. Par ailleurs, le choix judicieux de conserver certains mots en anglais — le récit se déroule aux Etats-Unis — favorise l’immersion au cœur de ce titre si fascinant, où les songes côtoient le réel.
Frederik Queiroz (libraire)
Commentaire du traducteur :
Le roi des limbes présente, entre autres particularités, celle d’être une œuvre japonaise située aux États-Unis. En conséquence, elle porte sur ce pays un regard fort bien documenté (Ai Tanaka va par exemple jusqu’à détailler la façon dont un personnage compte sur ses doigts) mais forcément distant, destiné en priorité à un public qui en est sans doute plus éloigné que celui de la France. Il m’était donc nécessaire de tenir compte de cette relation triangulaire entre les cultures. Fallait-il garder tous les mots anglais employés tels quels dans le texte japonais ? Coller au plus près à la formulation japonaise ou chercher des équivalents qui auraient leur place dans la bouche d’un Américain ? Pour répondre à ces questions, je me suis moins penché sur d’autres mangas que sur des films ou séries américaines, l’objectif étant de rendre un texte qui, pour une fois, ne donne pas l’impression d’avoir été écrit directement en français, mais plutôt d’avoir été « authentiquement » traduit de l’anglais.
Yohan Leclerc
KUJÔ L’IMPLACABLE
Titre : KUJÔ L’IMPLACABLE
Titre japonais: 九条の大罪
Auteur : Shôhei Manabe
Traduction : Sophie Lucas
Editeur : Kana
Genre : seinen
Nombre de volumes : 4
Résumé :
Pour Taiza Kujô, avocat controversé qui n’accepte que des affaires complexes, la loi et la morale sont deux choses différentes. Que ce soit pour défendre un conducteur ivre, qui a percuté un père et son fils, ou pour défendre un homme manipulé et abusé par un gang, Kujô n’a qu’un objectif : trouver une ligne de défense qui aura un maximum d’avantages pour son client.
Commentaire du Premier Jury :
Shôhei Manabe a un style bien à lui, très urbain, très social, très ancré dans l’implacable quotidien des basses couches de la société et de ceux qui en profitent. Après avoir terminé sa série phare Ushijima – L’Usurier de l’ombre, il change de point de vue pour passer du côté de la justice, mais on se rend rapidement compte qu’il n’est toujours pas du côté de la lumière. L’une des grandes forces (et difficultés) des récits du mangaka est d’exposer la vie de ses protagonistes dans leur plus grande rudesse. Sophie Lucas parvient non seulement à faire ressentir le triste de sort de chacun, mais aussi à le restituer de manière crédible. Mieux encore, des plus affaiblis aux plus tranchants, elle rend les personnages attachants et leurs histoires tragiques parfaitement saillantes. L’œuvre a beau être bavarde, les textes denses et nécessitants une connaissance approfondie de la société et de l’application de la justice au Japon, chaque étude de cas reste parfaitement accessible, fluide et impactant.
Remi Inghilterra (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Kujô est le personnage central de l’œuvre, mais il s’efface souvent derrière ceux qui sont au cœur des affaires traitées, et j’ai hâte d’en découvrir un peu plus sur cet être mystérieux. Traduire Kujô l’implacable, c’est se plonger dans un univers inconnu. Bien que réel, le monde décrit par Shôhei Manabe fait partie de la face cachée de la société, aussi bien pour les lecteurs occidentaux que pour les lecteurs japonais vivant partiellement dans l’ignorance de l’univers de la criminalité. Je prends autant de plaisir d’effectuer des recherches sur toutes les notions de droit qui entourent les affaires de Kujô, que sur tout le milieu interlope qui gravite autour de l’avocat. On a parfois tendance à « lisser » les dialogues pour éviter la surenchère de violences, mais dans cette œuvre, la violence verbale, « objective », car conforme à la réalité, ne souffre pas d’accommodations, et trouver le ton juste fait partie des défis de la traduction.
Sophie Lucas
HOSHI DANS LE JARDIN DES FILLES
Titre : HOSHI DANS LE JARDIN DES FILLES
Titre japonais: 女の園の星
Auteure : Yama Wayama
Traduction : Alexandre Fournier
Editeur : Le Lézard Noir
Genre : seinen
Nombre de volumes : 2
Résumé :
Un manga drôle, décalé et attachant, comme un teen movie japonais.
Commentaire du Premier Jury :
Tout traducteur le sait, s’il y a bien un genre qui est casse-gueule à traduire, c’est bien la comédie. Et ceci sans même parler des titres qui ont des références bien trop japonaises et/ou obscures pour parvenir à leur dénicher un pendant dans la langue de Molière. Hoshi dans le jardin des filles est typiquement le genre de titre comique qui en ferait pâlir plus d’un.e. Son humour tient dans un mouchoir de poche, dans un malaise, dans un non-dit, dans une incompréhension, dans une expression furtive et surtout dans un seul et même individu complètement à côté de la plaque. Ayant divinement bien saisi l’énergumène, Alexandre Fournier arrive à tenir son personnage dans sa maladresse, sa candeur et sa déroutante torpeur. Principalement retenu, pince-sans-rire et de situation, l’humour prend alors corps dans un bienheureux malaise comme s’il coulait de source, signe parfait de l’adaptation aboutie !
Remi Inghilterra (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Fan de l’œuvre avant même l’annonce d’une publication en France, Hoshi dans le jardin des filles est peut-être le manga que je prends le plus de plaisir à traduire. Un des défis de cette traduction réside dans le côté un peu froid, si ce n’est cynique du héros, et ses répliques pouvant sembler plates. C’est grâce à ses collègues et ses élèves farfelus que le professeur Hoshi tombe dans le registre de l’humour pince-sans-rire, donnant lieu à des échanges savoureux dont seule Yama Wayama a le secret. Un régal à retranscrire dans notre langue plutôt bien adaptée à ce genre d’humour.
Alexandre Fournier
GANNIBAL
Titre : GANNIBAL
Titre japonais: ガンニバル
Auteur : Masaaki Ninomiya
Traduction : Vincent Marcantognini
Editeur : Meian
Genre : seinen
Nombre de volumes : 13
Résumé :
« Les habitants de ce village sont cannibales.«
Daigo Agawa, policier de son état, a été détaché à Kuge, un village de montagne reculé. Bien que la communauté l’accueille chaleureusement lui et sa famille, la mort d’une vieille villageoise fait jaillir des doutes quant à la normalité de ce lieu…
Commentaire du Premier Jury :
Excellent seinen, rempli de suspens et de tension permanente, un thriller parfaitement rédigé qui me rappelle par moment le grand maître de l’intrigue, Naoki Urasawa, surtout dans la construction du scénario.
Lous and the Yakuzas (chanteuse)
Commentaire du traducteur :
Dès le premier tome de Gannibal, je savais que l’œuvre ferait date dans le thriller japonais. Et dans ce métier, rien n’est plus plaisant que de se plonger dans un texte et une prose de cet acabit. À mes yeux de traducteur, ce manga remarquable repose sur trois éléments : naturel et oralité réelle des dialogues (je souligne ce point, car les mangas recourent très souvent à une oralité « artificielle » ), maîtrise parfaite de la narration, et mise en page cinématographique. Mon travail s’est donc concentré sur les deux premiers, le dernier m’ayant servi de béquille pour happer la nervosité et la tension qui imprègnent le récit, et ainsi retranscrire, je l’espère fidèlement, toute la palette d’émotions auxquelles sont contraints les personnages dans cette descente en enfer : amour, compassion, colère… Mais surtout, toutes les formes et stades de la folie présentés par l’auteur.
Vincent Marcantognini
BOY’S ABYSS
Titre : BOY’S ABYSS
Titre japonais: 少年のアビス
Auteur : Ryô Minenami
Traduction : Sophie Lucas
Editeur : Kana
Genre : shonen
Nombre de volumes : 6
Résumé :
Dans une ville où il ne se passe jamais rien, où chaque jour se ressemble, Reiji Kurose se contente du vide qui caractérise son existence. Tout le condamne à rester dans la même ville : sa famille, ses perspectives d’avenir, ses amis d’enfance….
Jusqu’à sa rencontre avec une idole, il était persuadé que sa vie continuerait ainsi, sans résistance et sans réel pouvoir sur son avenir.
Vivre peut-il lui apporter l’espoir ? Se dirige-t-il vers la lumière ? Ou vers les ténèbres ?
Commentaire du Premier Jury :
Œuvre sombre et désespérée, Boy’s Abyss suit les tourments de personnages, principalement adolescents, prisonniers d’une ville et d’une vie qui les étouffent. Une histoire basée entièrement sur le ressenti et les errements des protagonistes, qui mérite une traduction chirurgicale et précise qui nous plonge au cœur de leurs esprits. Ici, c’est une réussite, on vit et ressent les doutes des personnages au plus près. Qui plus est, un des personnages étant un romancier et une autre une férue de littérature, l’écriture et les mots sont des éléments primordiaux dans l’histoire de la série. C’est là aussi une des réussites de cette traduction.
Philippe Cardona (auteur)
Commentaire de la traductrice :
Les personnages de Boy’s Abyss sont des êtres ordinaires. C’est l’environnement dans lequel ils évoluent, cette « ville » qui n’est pas nommée, mais qui est au centre de l’œuvre, qui les pousse dans leurs derniers retranchements et en fait des êtres malheureux, torturés, souvent dangereux pour eux-mêmes ou leur entourage. On sent pourtant toute la tendresse que Ryô Minenami leur porte. L’auteure réussit à rendre attachants ces êtres tourmentés en mettant à la portée du lecteur leur complexité et leurs contradictions. Ce sont les personnages à la périphérie de l’œuvre, les gardiens de la morale et de la bienséance, qui apparaissent comme des êtres méprisables. Le plus gros défi que représente la traduction de Boy’s Abyss est le risque de surtraduction : les pensées des personnages sont souvent laissées en suspens, et c’est au lecteur de laisser son imagination faire le reste, de faire un effort d’empathie envers les personnages. Je ne peux qu’espérer que ma traduction ne trahit pas tous les non-dits de l’œuvre, et qu’elle est à la hauteur de l’attachement que je lui porte.
Sophie Lucas
BLOOMING GIRLS
Titre : BLOOMING GIRLS
Titre japonais: 荒ぶる季節の乙女どもよ。
Auteures : Mari Okada, Nao Emoto
Traduction : Géraldine Oudin
Editeur : Delcourt
Genre : shonen
Nombre de volumes : 3
Résumé :
Kazusa fait partie du club de littérature de son lycée. Un jour, l’une des membres annonce qu’elle voudrait faire l’amour avant de mourir. Cet aveu marque le début d’une période agitée pour les cinq jeunes filles qui vont finir par aborder un sujet tabou jusque-là : le sexe. Chacune d’entre elles va vivre sa première histoire d’amour. Et si aucune de nous ne franchissait le pas ? Et si on mourait sans avoir vécu « ça » ?
Commentaire du Premier Jury :
Géraldine OUDIN joue à merveille avec les mots et la ligne à ne pas franchir : parler de sexe oui, mais sans jamais en parler, ou en tout cas avec une extrême parcimonie, à des instants clé. Des mots pour jouer avec la mue entre la fille et la femme. Un jeu d’équilibriste, que l’on savoure comme un étrange bonbon, sucré et pimenté à la fois. Une lecture des plus amusantes.
Paul Ozouf (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Que diraient des lycéennes dans cette situation, sans édulcorer ou employer d’expressions qui risquent d’être passées de mode dans quelques mois ou années ? À quel point certains dialogues doivent-ils être crus ? Voici les questions qui m’ont habitée au fil de cette traduction.
Géraldine Oudin
ENTRE LES LIGNES
Titre : ENTRE LES LIGNES
Titre japonais: 違国日記
Auteure : Tomoko Yamashita
Traduction : Pascale Simon
Editeur : Kana
Genre : josei
Nombre de volumes : 8
Résumé :
À 15 ans, Asa perd ses parents dans un accident de voiture. Elle est recueillie par sa tante Makio, 35 ans, sœur cadette de sa mère. Makio est autrice de romans pour adolescentes, mais elle vit plutôt en recluse, car elle n’est pas à l’aise en société. L’arrivée d’Asa va bouleverser la vie des deux femmes.
Asa découvre soudain le monde hors de son cocon familial et n’est pas habituée à quelqu’un comme sa tante, qui lui parle avec autant de franchise, quoique souvent avec maladresse. Makio, de son côté, n’est pas familière d’une cohabitation avec quelqu’un à qui il faut montrer la voie.
Chacune va ainsi devoir faire un travail sur soi. L’une pour faire le deuil de ses parents disparus trop soudainement et s’ouvrir au monde. L’autre pour accepter la présence d’une autre personne dans son quotidien et approfondir la question du sens de la famille et des liens qu’elle induit et des sentiments qui s’y rattachent.
Commentaire du Premier Jury :
L’économie de mots est au cœur de l’écriture de ce double portrait de femmes, réunies dans un même appartement à l’issue de circonstances tragiques. Makio et Asa n’ont que les liens du sang en commun et Tomoko Yamashita a bâti son manga sur le contraste entre deux personnalités, deux mondes intérieurs.
Un personnage tel que Makio, romancière trentenaire et solitaire, incarnait un vrai défi de traduction – personnalité ombrageuse et peu sociable, elle parle tantôt difficilement, tantôt avec une franchise âpre, au mépris des conventions sociales… sans non plus être insensible.
Pascale Simon a trouvé les mots et les tournures de phrase pour étayer et nuancer ce portrait en français, sans négliger les failles dans la carapace de Makio. En parallèle, pour exprimer l’immense vide intérieur où Asa est happée depuis la mort de ses parents, sa traduction joue sur un tout autre registre, marqué par la fragilité de l’adolescence, la confusion et l’incapacité à cerner ses sentiments. Avec précision et délicatesse, Pascale Simon transmet ainsi le propos de l’autrice : « Ce que tu éprouves n’appartient qu’à toi ».
Laurent Lefebvre (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Travailler sur cette série a constitué, entre autres, une réflexion sur ce qu’est la réalité d’un auteur : comment accéder à la justesse de la phrase, comment trouver sa voix, sa vérité, et l’exprimer sans se trahir ou se laisser tenter par les effets de style ? Ces questions ont guidé ma traduction. Le questionnement de Makio, l’auteure, sur son travail, fait écho aux questionnements d’Asa, l’adolescente, qui va progressivement accéder à une forme d’apaisement et trouver sa vérité.
La recherche de la justesse de la phrase dans la traduction était donc d’autant plus importante, et elle m’a parfois obligée à sabrer dans mon texte.
D’un autre côté, il fallait rendre compte de la légèreté (de la futilité ?) des conversations à bâtons rompus, émaillées de petits riens qui en constituent le sel : remarques spirituelles ou ironiques, apartés, néologismes et vocabulaire éphémère emprunté à la langue des adolescents ou au jargon des forums sur Internet.
Autant certains passages sont profonds, voire sombres, et nécessitent une sobriété dans l’écriture, autant d’autres sont légers, exubérants, et requièrent une fantaisie équivalente dans la traduction. L’œuvre oscille entre ces deux pôles et je me suis appliquée à respecter cette alternance.
Pascale Simon