Le Prix Konishi de la traduction de manga japonais en français récompense la traduction d’un titre publié entre octobre 2021 et aout 2022.
Un premier jury composé de 18 grands lecteurs, lectrices, a passé au peigne fin les manga, séries ou one-shot, publiés cette dernière année.
Voici les dix titres nommés à la sixième édition du Prix Konishi pour la traduction de manga japonais en français.
Nous vous invitons à découvrir les commentaires du premier jury et des traducteurs en cliquant sur chaque titre ou en vous rendant sur la page « Edition 2023 ».
L’annonce du lauréat de ce prix s’effectuera durant le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême fin janvier 2023.
Édition 2023
Les nommés
DARWIN’S INCIDENT
Titre : DARWIN’S INCIDENT
Titre japonais: ダーウィン事変
Auteur : Shun Umezawa
Traduction : Frédéric Malet
Editeur : Kana
Genre : seinen
Nombre de volumes : 1
Résumé :
Charlie est né en laboratoire à la suite d’expérimentations génétiques, d’un père humain et d’une mère chimpanzé ; il est un « humanzee ». Spécimen unique, Charlie est recueilli et élevé en famille par un couple formé par un scientifique spécialiste des primates et par une avocate.
15 ans plus tard, Charlie le humanzee intègre le lycée et il fait la rencontre d’une jeune fille du nom de Lucy. Pourtant, l’arrivée de Charlie dans la communauté humaine va créer une onde de choc. Bien vite, les implications de son existence secouent la société américaine et, au-delà, suscite des questions au niveau mondial…
Entre des activistes végan radicaux qui veulent en faire leur emblème et les bien-pensants qui estiment qu’il est la preuve vivante des dérives de la science, Charlie, qui incarne l’évolution malgré lui, va se retrouver au centre de bien des enjeux ! Lui qui aspire juste à avoir la vie la plus normale possible…
Commentaire du Premier Jury :
Avec un titre pareil, l’auteur marche sur des œufs sans jamais en casser un. La traduction apparaît alors à double tranchant avec ces thématiques si stigmatisantes dans la société actuelle. Terrorisme, bioéthique, souffrance animale, véganisme sont autant de sujets qui portent à débat et qui pour un simple mot mal choisi pourraient mettre de la confusion. Pourtant, ici tout est clair et limpide.
Maxime Bender (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Dès les premières pages de Darwin’s Incident, Shun Umezawa nous entraîne dans un thriller à l’américaine, on est tout de suite happé dans une ambiance qui nous rappelle de nombreuses séries TV palpitantes.
Des sujets de société et d’actualité, sérieux et invitant à de profondes réflexions, y sont abordés, nécessitant, lors de la traduction, un travail de recherche et de documentation intense et très enrichissant. Entre Charlie, innocent et naïf, les lycéens, les flics, les terroristes, une mère avocate et un père scientifique, je dois constamment jongler entre les différents registres de langue afin de trouver le ton et les mots appropriés pour chaque personnage et chaque scène. Je veille notamment à ce que la traduction restitue la rigueur, la tension, le rythme et la vivacité du récit, avec des dialogues souvent profonds ou philosophiques et parsemés de répliques percutantes.
La traduction d’une telle œuvre est à la fois complexe et passionnante, et j’espère que les lecteurs et les lectrices vibrent autant que moi en compagnie de Charlie.
Frédéric Malet
FRIEREN
Titre : FRIEREN
Titre japonais: 葬送のフリーレン
Auteurs : Kanehito Yamada, Tsukasa Abe
Traduction : Géraldine Oudin
Editeur : Ki-oon
Genre : shonen
Nombre de volumes : 5
Résumé :
Que deviennent les héros une fois le mal vaincu ?
Le jeune héros Himmel et ses compagnons, l’elfe Frieren, le nain Eisen et le prêtre Heiter, rentrent victorieux de leur combat contre le roi des démons. Au bout de dix années d’efforts, ils ont ramené la paix dans le royaume. Il est temps pour eux de retrouver une vie normale… Difficile à imaginer après tant d’aventures en commun !
Frieren, elle, ne semble guère touchée par la séparation. Pour la magicienne à la longévité exceptionnelle, une décennie ne pèse pas lourd…
Commentaire du Premier Jury :
Au Japon comme en France, Frieren a pris les lecteurs par surprise : personne ne s’attendait à un manga de fantasy qui débute longtemps après les hauts faits d’une petite troupe de héros, désormais vieillissants. D’ordinaire, les aventures et les relations entre différentes classes de personnages sont au cœur du récit. Dans Frieren, ils ne sont dévoilés que par petites touches, au gré de flash-back très éphémères. Il en va de même pour l’Histoire et les peuples du royaume, tout est quasiment laissé hors-cadre, dans un premier temps.
Et malgré cette absence d’informations, la traduction de Géraldine Oudin s’avère d’une grande cohérence au fur et à mesure que le passé se révèle. Il n’était pas non plus évident de cerner le caractère de l’héroïne, dont les contours tragiques ne font pas l’objet de coups d’éclats, de tirades où le cœur s’approche du bord des lèvres. Là aussi, l’écriture de ce manga est un puzzle, traduit en français avec subtilité : au détour du ton distant, volontiers factuel et monocorde de l’elfe, percent néanmoins ses émotions retenues, qu’il s’agisse d’amers regrets ou d’une pointe d’humour piquant.
Laurent Lefebvre (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
Tous les traducteurs de Frieren sont tenus de respecter à la lettre un lexique détaillé qui s’étoffe à chaque tome. Avez-vous remarqué que, dans cette série, les noms propres (et certains noms communs) ont un sens ? Frieren, Himmel, Heiter, Eisen, Fern, Stark, les collines de Laub ou encore la région de Kühl… rien n’est laissé au hasard. Il s’agit généralement de mots allemands qui donnent des indications sur les personnages ou les lieux traversés.
Géraldine Oudin
KOMI CHERCHE SES MOTS
Titre : Komi cherche ses mots
Titre japonais: 古見さんは、コミュ症です。
Auteur : Tomohito Oda
Traduction : Kevin Stocker
Editeur : Pika
Genre : shonen
Nombre de volumes : 4
Résumé :
Dès la rentrée, Komi ne passe pas inaperçue : la beauté si singulière de cette fille et son élégance délicate en font une véritable déesse vénérée de tous ses camarades. Mais en réalité, son mutisme n’a rien de raffiné pour elle : en proie à une terrible anxiété sociale, Komi tente en vain de briser le mur du silence et de communiquer avec les autres… Tadano, son voisin de classe on ne peut plus ordinaire, découvrira son secret et décidera de l’aider dans ses incommensurables efforts pour s’ouvrir aux autres afin de réaliser son rêve : avoir cent amis !
Commentaire du Premier Jury :
Une traduction très « vivante » pour une série parlant d’anxiété sociale !
Chaque personnage est très bien caractérisé par son vocabulaire, y compris Komi, qui est caractérisée par ses silences et autres hésitations. Komi ne parle que par syllabes (lorsqu’elle parle), il est donc important de savoir bien retranscrire ses intentions, respecter les consonances que peuvent impliquer une plaisanterie… Bref une traduction qui pourrait paraître simple, mais est en réalité subtile.
Il est à noter que, parlant parfois avec des notes sur son cahier/téléphone, l’héroïne a donc plusieurs niveaux de langage. Celui de l’écrit restant « littéraire » alors que le parlé est toujours hésitant ; cependant, une bonne traduction permet facilement de ne pas douter qu’il est bien question des deux facettes du personnages.
Florence Torta (auteure)
Commentaire du traducteur :
Dans Komi cherche ses mots, Shôko Komi cherche – littéralement – ses mots : comment dire ce qu’elle pense ? Transmettre ce qu’elle ressent ? Converser de façon banale avec ses camarades ? Des préoccupations assez courantes, à mon avis, pour des gens de l’âge de Komi, souvent de manière moins aiguë, mais dont les scènes qui en traitent me touchent beaucoup. Le principal défi que l’on peut rencontrer dans la traduction, c’est d’arriver à trouver le ton et la voix justes pour cette galerie d’adolescents haut en couleur et attachants (même Yamai… je crois), Tomohito Oda jouant beaucoup sur le langage pour donner de l’épaisseur à ses personnages. J’espère que cette nomination participera à faire découvrir l’œuvre à encore plus de personnes, et si sa lecture pouvait aider quelques personnes souffrant d’anxiété sociale, alors… mission accomplie ?
Kevin Stocker
LA GRANDE TRAVERSÉE
Titre : La Grande Traversée
Titre japonais: 舟を編む
Auteures : Haruko Kumota, Shion Miura
Traduction : Cyril Coppini
Editeur : Le Lézard Noir
Genre : seinen
Nombre de volumes : 1
Résumé :
Mitsuya Majime travaille au service commercial de la maison d’édition Genbu shobô. Son sens aigu du mot juste lui permet de rejoindre l’équipe du service des dictionnaires. Il va devoir, avec ses nouveaux collègues de travail, qui partagent le même amour que lui pour les mots, se plonger corps et âme dans la fabrication d’un nouveau dictionnaire : La Grande Traversée… Entouré de collaborateurs tout aussi acharnés que lui à trouver le mot juste, il se lance corps et âme dans ce chantier qui va, pendant plusieurs années, profondément changer sa vie…
Commentaire du Premier Jury :
Rare rakugoka français, et traducteur, Cyril Coppini continue l’adaptation en langue française des œuvres de Haruko Kumota. Ici, contrairement à la série Rakugo, à la vie, à la mort, la mangaka adapte un roman, ouvrage éponyme de Shion Miura. Succès critique et public au Japon, celui-ci nous plonge dans l’univers méconnu de l’élaboration des dictionnaires. Pas besoin d’en savoir beaucoup plus pour comprendre qu’il est tout du long question de manier la langue avec exactitude et par conséquent que l’exercice de l’adaptation en langue étrangère s’avère ardu. Fort de sa longue pratique du rakugo, métier imposant la justesse des mots, des gestes, de l’interprétation et de la chute, le traducteur s’est attelé à la tâche dans une performance bluffante. Exacte, subtile, méticuleuse, sa traduction est un délice de tous les instants. Des moments purement littéraires aux moments de vie plus anodins. Si les personnages de cette série se démènent pour élaborer l’un des meilleurs dictionnaires de leur existence, Cyril Coppini vient de livrer de son côté l’une de ses meilleures traductions. Un exercice technique à la fois parfaitement rigoureux et sincèrement touchant sans paraître rigide ou désincarné.
Remi Inghilterra (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Après Le Rakugo, à la vie, à la mort, impossible de refuser la traduction du nouveau manga de Haruko Kumota. Des dessins sublimes, une narration captivante, une sensibilité exquise.
Mais l’exercice a été laborieux. Par la densité du texte, bien sûr, mais aussi parce que le héros est un dictionnaire… de japonais.
Son organisation, ses entrées, ses classifications… Tout est basé sur l’ordre de l’alphabet hiragana qui n’a aucun rapport avec celui de nos lettres latines. Il a donc fallu redoubler de vigilance pour définir ces mots et éviter, comme le dit Majime, qu’ils « nous glissent entre les doigts ». Que la magistrale révision de Sébastien Raizer soit ici saluée.
Par chance, un des thèmes de ce manga – l’amour – commence aussi en japonais par un « A ». Enfin… L’amour entre deux êtres en général. Pas celui des mots en particulier.
Cyril Coppini
DAI DARK
Titre : Dai Dark
Titre japonais: 大ダーク
Auteure : Q Hayashida
Traduction : Sylvain Chollet
Editeur : Soleil Manga
Genre : seinen
Nombre de volumes : 3
Résumé :
Dans la noirceur de l’espace infini, un jeune homme aux os magiques voyage avec son fidèle Sakadoh pour tenter d’échapper aux parias de l’univers qui veulent lui faire la peau !
Sanko Zaha, un ado qui adore les spaghettis, voyage dans les ténèbres de l’espace infini. On raconte que ses os exauceraient n’importe quel souhait. C’est pourquoi les pires malfrats de l’univers veulent lui faire la peau ! Heureusement, toujours accompagné d’Avakian, son fidèle compère, il n’hésitera pas à désosser gaiement tous ses assaillants.
Commentaire du Premier Jury :
Un chaudron ardent dans lequel Q Hayashida concocte quelques recettes baroques. Pour décrypter le geste, Sylvain Chollet agglomère, mélange, invente, et figure les inventions extravagantes de l’autrice à travers une traduction qui parvient à rendre tangible des concepts formidablement toqués.
Fausto Fasulo (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Quel immense plaisir de retrouver Q Hayashida avec ce space opera unique en son genre qu’elle seule pouvait imaginer! Je m’efforce, évidemment, de restituer au mieux le ton décalé de cet univers loufoque où terreur rime avec bonne humeur, tout en décryptant les nombreux jeux de mots et termes spécifiques qui constellent le vaste et délirant cosmos que Sanko et sa bande semblent bien décidés à explorer en long, en large et en travers!
Sylvain Chollet
LES ENFANTS D’HIPPOCRATE
Titre : Les enfants d’Hippocrate
Titre japonais: プラタナスの実
Auteur : Toshiya Higashimoto
Traduction : Ryoko Akiyama
Editeur : Mangetsu
Genre : seinen
Nombre de volumes : 4
Résumé :
Le dévouement des professionnels de la santé est-il perçu à sa juste valeur ? Rien n’est moins sûr… Dans une société qui pousse à la rentabilité de la pratique médicale, on ne demande plus aux pédiatres d’aimer les enfants, mais de fournir un service. Et certains parents japonais se comportent en véritables monstres surprotecteurs, exigeant un accès immédiat et illimité aux soins pour leur progéniture. Le mot d’ordre : tout, tout de suite!
Mais il en faut plus pour décourager Maco Suzukake, un jeune praticien en devenir, qui croit en son métier dur comme fer et s’occupe de ses petits patients avec respect, enthousiasme et bonne humeur. Son humanisme lui permettra-t-il d’accomplir les miracles dont ces enfants ont tant besoin ?
Commentaire du Premier Jury :
La traduction de Ryoko Akiyama met bien en valeur les différents personnages ainsi que leur caractère respectif, mais s’adapte aussi parfaitement aux différents niveaux de langage en fonction de l’âge ou des connaissances des protagonistes. Cela donne un rendu très « naturel » et juste à la lecture.
Marion Lesterpt (libraire)
Commentaire de la traductrice :
Les enfants d’Hippocrate est un manga qui tient une place particulière dans mon cœur. D’abord, parce que son auteur est celui de l’excellent Bateau de Thésée que j’ai également eu la chance de traduire. Ensuite, parce que son intrigue se passe dans le milieu médical. Or, il se trouve que j’habite à l’intérieur d’un grand centre médical et que je vis entourée d’une centaine de médecins de toutes spécialités. Comme c’est pratique pour poser des questions sur des termes techniques ! Enfin, je partage avec Maco, le personnage principal, les mêmes blessures, la même fêlure. Je ne vous en dis pas plus, mais sachez que ce manga est une véritable bouillotte, qui vous réchauffera le cœur et atténuera les aspérités causées par la vie… Bonne lecture !
Ryoko Akiyama
MANCHURIA OPIUM SQUAD
Titre : Manchuria Opium Squad
Titre japonais: 満州アヘンスクワッド
Auteurs : Tsukasa Monma, Shikako
Traduction : Patrick Alfonsi
Editeur : Vega Dupuis
Genre : seinen
Nombre de volumes : 6
Résumé :
Il existe peu de documents sur l’ombre du Japon, en particulier sur les agissements de l’armée d’avant-guerre. Cependant, en raison de la situation financière de l’époque, les difficultés financières en Mandchourie étaient chroniques. L’opium est devenu ainsi le point de départ d’une guerre sous la dynastie britannique et le joug des Qing. Mais l’opium était aussi largement utilisé en Chine. La taille de ce marché fut extraordinaire et ses fonds énormes. Une économie qui comprenait des chefs de guerre, des fonctionnaires et des marchands, ainsi que des organisations clandestines. Dans ce contexte tendu, un jeune agriculteur va faire le choix de l’opium pour enfin gagner l’argent nécessaire pour soigner sa mère. Mais ce faisant, il met un premier pas dans un engrenage qui va le transporter en pleine guerre des mafias.
Commentaire du Premier Jury :
Avec une oeuvre aussi intrangigeante, l’adaptation et la traduction doivent aussi être millimétrées. Patrick Alfonsi réussi ce tour de force dans ce manga nerveux et tactique, tout en gardant les spécificités de langage de chaque individu. Pas facile, mais réussi.
Flavien Appavou (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Entamer la traduction de Manchuria Opium Squad, c’est commencer avec un pari. Est-ce que le choix fait dans les premières pages aura été le bon arrivé au terme de l’aventure ?
Puis très rapidement, on se retrouve happé par le rythme de ce thriller pensé par Monma Tsukasa et sublimé par Shikako.
Situé dans la Chine des années 30, il reste résolument moderne dans sa narration et dans ses dialogues. J’ai donc pris le parti de rester sur un langage contemporain et de choisir des transcriptions en pinyin actuel comme « armée du Guandong » plutôt que « Kwantung ».
J’ai apprécié le traitement des langues étrangères loin de la caricature, mais simplement dénotées par une typographie différente (et des bulles horizontales, meilleures amies du lettreur !).
Enfin, cadre historique du Mandchoukouo oblige, la réalité s’invite souvent dans la fiction et j’invite les lecteurs à se renseigner sur les noms propres qu’ils croiseront, car leur histoire a parfois tout du roman !
Patrick Alfonsi
RÉIMP’!
Titre : Réimp’ !
Titre japonais: 重版出来!
Auteure : Naoko Mazda
Traduction : Djamel Rabahi
Editeur : Glénat
Genre : seinen
Nombre de volumes : 6
Résumé :
“Je veux travailler dans le manga !”. Nombreux sont ceux qui aspirent aujourd’hui à devenir mangaka ou éditeur manga. Mais saviez-vous que ce n’était pas la seule manière de travailler dans le manga ?
C’est ce que va découvrir Kokoro, embauchée dans une maison d’édition pour avoir fait une prise de judo à son président. Affectée à l’éditorial manga, elle va peu à peu faire connaissance avec l’univers qui l’entoure… À la différence de Bakuman qui présente un huis-clos entre un auteur et un éditeur souhaitant créer le prochain hit shonen, Réimp’ ! offre une description plus réaliste et seinen, avec une multitude de personnes : commerciaux, libraires, graphistes, assistants… tous là pour porter l’œuvre jusqu’à son lecteur. Les mangaka ne sont évidemment pas en reste, avec une galerie de personnages qui nous semblent étrangement familiers : le grand auteur légendaire passé de mode, l’ex-hitmaker qui n’arrive plus à vivre de son art, la jeune autrice hésitante, le jeune prodige torturé…
Commentaire du Premier Jury :
Dans Réimp ! il est question d’édition de mangas au Japon. Djamel Rabahi s’empare du sujet à bras le corps et nous fait découvrir les coulisses de l’édition côté japonais dans une simplicité apparente. Et c’est justement dans l’apparence que l’on reconnaît aussi les qualités d’une bonne traduction : sa traduction se fait invisible et elle s’adapte parfaitement au langage, aux termes et aux personnages comme si de rien n’était. Instructif et passionnant, ce manga se lit et se comprend sans accrocs, alors que l’on ne connaît pas forcément le monde du livre et que les mondes du travail et du livre sont différents en France et au Japon. Autre particularité de la série, les personnages hyper dynamiques donnent un rythme entraînant à ce qui aurait pu être une exposition plate et scolaire. Il n’en est rien, notamment grâce à la vivacité de la traduction et sa retranscription réaliste.
Remi Inghilterra (journaliste)
Commentaire du traducteur :
Réimp’ !, c’est le but à atteindre et le cri de victoire de tous les éditeurs. Parvenir à la sacro-sainte réimpression, synonyme de succès pour un livre. Mais Réimp’ !, c’est aussi le titre d’un manga qui met en scène une héroïne ultra positive et sympathique au possible, une galerie de personnages d’une grande richesse, et quantité d’informations sur le milieu de l’édition au Japon et les métiers de cette foisonnante galaxie. Enfin, par tous ces aspects, Réimp’ ! offre au traducteur un travail qui demande une certaine polyvalence. Chaque tome est un nouveau défi, car les thèmes abordés sont à chaque fois différents et nécessitent tous des recherches approfondies. J’apprends donc en traduisant, ce qui est un réel un plaisir, et je m’amuse en jonglant avec les multiples registres de langue : auteur au bord de la dépression, directeur éditorial fan des Hanshin Tigers, commercial aimable au possible, ou bien encore langage « jeune » propre à internet. En donnant vie à tous ces personnages, j’espère réussir à faire voyager le lecteur.
Djamel Rabahi
ROOSTER FIGHTER – COQ DE BASTON
Titre : ROOSTER FIGHTER – COQ DE BASTON
Titre japonais: ニワトリ・ファイター
Auteur : Shu Sakuratani
Traduction : Alexandre Fournier
Editeur : Mangetsu
Genre : shonen
Nombre de volumes : 4
Résumé :
Pour obtenir justice, il se battra bec et griffes ! Cocori-K.-O. !
Dans un Japon ravagé par les kijû, des monstres gigantesques et assoiffés de sang, les humains, complètement démunis face à cette menace sans précédent, vivent chaque jour avec la crainte que celui-ci soit le dernier. Seul un être trouve encore le courage de faire face à ces mystérieuses créatures : un coq, à la détermination sans faille et au cri surpuissant. Son but, retrouver celui qui lui a enlevé la prunelle de ses yeux !
Commentaire du Premier Jury :
Rien que le titre est déjà un bel effort d’adaptation (l’original étant Rooster Fighter), faisant allusion à Coq de Combat, tout en restant compréhensible pour les gens n’ayant pas la référence, et apportant un certain degré d’humour et de décalage avec le simple emploi du mot « baston ».
Car il est ici bien question de décalage, puisqu’on suit l’histoire d’un coq surpuissant affrontant des kaiju. Le titre joue en permanence avec un style parodique, avec cependant un certain premier degré dans les dialogues du personnage principal. Comme beaucoup d’œuvres japonaises, c’est un réel travail d’équilibriste consistant à ne pas faire tomber le manga dans une série Z premier degré d’un côté, ni dans la comédie pure de l’autre.
Sans une traduction et une adaptation travaillées, cette note d’intention de l’auteur et le ton de la série seraient trahis, et la traduction s’en sort parfaitement, donnant au héros le langage très fier d’un héros de manga des années 70. S’ajoute à ça une traduction de certains jeux de mots très bien sentie ( « tu me débectes » comme phrase d’accroche du héros, « cocorico-K-O » comme attaque finale.).
Philippe Cardona (auteur)
Commentaire du traducteur :
Traduire une comédie n’est jamais simple: une blague de travers, un calembour maladroit, une punchline bancale, et c’est tout l’intérêt de l’œuvre qui part en fumée ! Difficile de ne pas remettre en question son propre sens de l’humour quand on s’attaque à ce genre qui occupe une place à part… Fort heureusement, la traduction de Rooster Fighter se voit facilitée par la langue française et son lot d’expressions aviaires.
Reste à éviter l’indigestion. Si je me permets de rehausser le côté comique de certaines répliques manquant un tantinet de punch en japonais, je fais également en sorte de conserver quelques tournures succulentes et autres traits d’esprit pour la suite des aventures de notre coq bastonneur. Ne pas confondre « comique de répétition » et « comique répétitif ». Telle est, à mon sens, la clé pour une traduction réussie d’une série humoristique.
Alexandre Fournier
SATURN RETURN
Titre : Saturn Return
Titre japonais: サターンリターン
Auteure : Akane Torikai
Traduction : Gaëlle Ruel
Editeur : Akata
Genre : seinen
Nombre de volumes : 4
Résumé :
Le deuil d’un amour raté peut tuer.
Ritsuko Kaji est une romancière qui souffre du syndrome de la page blanche… Mais quand une nuit, elle rêve d’un de ses anciens amis, son quotidien va basculer : au réveil, elle apprend le suicide de ce dernier… Tandis qu’elle se sent étouffée par sa vie de femme au foyer, la voilà rattrapée par le souvenir d’un être cher désormais décédé. Confrontée de force à son passé, elle retourne à Osaka en compagnie de son nouvel éditeur. Mais ce voyage pourrait bien faire remonter des sentiments douloureux à la surface…
Commentaire du Premier Jury :
En quelques mangas Akane Torikai s’est imposée comme une autrice immanquable, et Saturn Return est sans nul doute l’aboutissement de son talent. Un manga très personnel dans lequel on retrouve un ton tantôt mélancolique tantôt détaché, toujours retranscrit à la perfection par Gaëlle Ruel qui réussit parfaitement à s’effacer au profit de l’écriture d’Akane Torikai.
Joan Lainé (journaliste)
Commentaire de la traductrice :
La traduction d’un manga d’Akane Torikai est pour moi toujours un plaisir, mais aussi un défi. Son style repose à la fois sur l’exploration de thèmes durs, sur des dialogues percutants et sur des monologues introspectifs complexes en termes de syntaxe et de conceptualisation. Saturn Return comporte une difficulté supplémentaire : c’est un manga d’enquête, rempli de non-dits et de personnages très secrets. J’ai vécu la traduction du tome 1 comme une plongée en eaux troubles, à tenter de cerner Ritsuko et son passé. Mais c’est sans doute grâce à ce mystère et à l’absolue nécessité de choisir les mots justes que je trouve la traduction de cette série si passionnante et si gratifiante. Au-delà du côté technique, j’éprouve une joie immense à spéculer à chaque fin de tome pour savoir où l’enquête sur Aoi va nous mener. J’ai hâte d’en découvrir le dénouement et j’espère que les lecteurs aussi !
Gaëlle Ruel