Le Prix Konishi de la traduction de manga japonais en français récompense la traduction d’un titre publié entre octobre 2015 et septembre 2017.
Un premier jury composé de 15 grands lecteurs, lectrices, a passé au peigne fin pas moins de 729 séries et one-shot publiés au cours des deux dernières années.
Voici les dix titres nommés au Prix Konishi pour la traduction de manga japonais en français.
L’annonce du lauréat de ce prix s’effectuera durant le Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême fin janvier 2018.
Edition 2018
Les nommés
Born to be on air !
Titre : Born to be on air !
Titre japonais: 波よ聞いてくれ
Auteur : Hiroaki Samura
Traducteur : Anaïs Koechlin
Editeur : Pika
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 3
Résumé :
Sapporo, Hokkaidô. Dans un bar, Minare Koda peste contre son ex-copain auprès d’un journaliste radio qu’elle vient tout juste de rencontrer. Le lendemain, quelle n’est pas sa surprise d’entendre sa voix enregistrée et diffusée à la radio ! Folle de rage, elle fonce à la station, mais sur place, les paroles enjôleuses du directeur d’antenne l’incitent à improviser une diatribe sur sa philosophie amoureuse. Invitée à entrer dans le monde de la radio par un tour du destin et dotée d’un caractère bien trempé, Minare va voir sa vie violemment bouleversée…
Commentaire du Premier Jury :
La radio c’est avant tout des mots, c’est dire l’importance d’une traduction réussie pour cette œuvre de Hiroaki Samura, un mangaka qui aime créer des protagonistes bavards qui plus est. Anaïs Koechlin de Black Studio a donc réussi ce tour de force en se mettant dans la peau de la fougeuse Minare, pour lui donner une âme et un langage propre, qui varie entre sa vie de tous les jours, avec ses coups de flips ou coup de colères épiques et un phrasé complexe et barré, mais curieusement prenant, lorsqu’elle est au micro. Chapeau.
Paul Ozouf (rédacteur en chef, Journal du Japon)
Commentaire de la traductrice :
J’ai travaillé sur le premier volume de Born to Be on Air! presque en immersion complète, pour retrouver la voix de Minare, l’héroïne, sa verve et son culot. Dans ces instants, je me surprenais à répéter ses répliques pour trouver le ton juste, même lorsque je n’étais plus devant mon ordinateur. Le texte de Samura est à l’image de son dessin, nerveux, dense, orchestral. Il a fallu recréer ça en français, sauter d’une idée à l’autre avec la même vivacité et la même fluidité, jongler avec son humour sans perdre le lecteur, zigzaguer entre les références, quitte à passer des heures à se renseigner sur la loi d’entropie ou la chronique des trois royaumes. À chaque volume, c’est à la fois étourdissant et jouissif !
Anaïs Koechlin
Père & Fils
Titre : Père & Fils
Titre japonais: ちちこぐさ
Auteur : Mi Tagawa
Traducteur : Géraldine Oudin
Editeur : Ki-oon
Genre : Shonen
Nombre de volumes : 6
Résumé :
Torakichi, herboriste itinérant, passe la majeure partie de son temps sur les routes pour rendre visite à ses clients. Résultat, il n’a quasiment jamais vu son fils de trois ans, Shiro… À la mort de sa femme, il prend une décision qui changera sa vie : celle d’emmener le petit garçon avec lui sur les routes !
Mais si Torakichi est incollable sur les plantes médicinales, il n’y connaît rien aux enfants et est loin d’être un père modèle… Pourquoi Shiro pleure-t-il ? Pourquoi se réveille-t-il en pleine nuit ? Entre les soucis du quotidien et son travail éreintant, le jeune papa est complètement dépassé. Les aléas du voyage et les rencontres diverses l’aideront-ils à renouer le lien perdu avec son fils ?
Commentaire du Premier Jury :
Père et fils est une œuvre sensible qui nous plonge au cœur des tourments enfantins et de la douceur de l’intimité familiale. Alliant beauté de la nature et bouleversements de la vie, l’histoire nous emmené au cœur de la relation père et fils d’un herboriste veuf, apprenant à établir un lien avec son jeune fils qu’il connait à peine et à qui sa mère manque cruellement.
Une narration fluide et maîtrisée vous glisse sans heurts dans cette relation familiale parfois complexe, souvent très tendre, drôle et attachante. Une œuvre à lire pour passer un bon moment et garder un léger sourire tout au long de la journée.
Claire Pélier (directrice, Ecole Internationale du Manga et de l’Animation)
Commentaire de la traductrice :
Quand l’assistante éditoriale de Ki-oon m’a parlé de Père & Fils, j’ai su qu’elle m’avait parfaitement cernée. L’histoire se déroulait à l’époque d’Edo, le protagoniste était herboriste : j’allais pouvoir mettre à profit mes connaissances du contexte et ma passion pour la botanique. Dans la version originale, les noms des plantes médicinales sont indiqués en japonais, la langue courante, et en chinois, la langue savante. Le parallèle entre les rôles du chinois et du latin m’est apparu comme une évidence, mais ce sont les noms vernaculaires qui m’ont fourni une bonne excuse pour partir en quête de références et d’inspiration dans une bibliothèque spécialisée. Sept tomes plus tard, je suis toujours sous le charme du travail de Mi Tagawa où, des relations entre les personnages aux détails historiques, tout sonne juste.
Géraldine Oudin
Perfect World
Titre : Perfect World
Titre japonais: パーフェクトワールド
Auteur : Rie Aruga
Traducteur : Chiharu Chujo & Nathalie Bougon
Editeur : Akata
Genre : Josei
Nombre de volumes : 5
Résumé :
Tsugumi, à 26 ans, travaille au sein d’une entreprise de design d’intérieur. Un soir, lors d’une soirée de travail, quelle est sa surprise de retrouver autour de la table Ayukawa, son amour de lycée ! Mais depuis la fin de leurs études, le jeune homme, impliqué dans un accident, est en fauteuil roulant. Certaine que jamais elle n’aura la force (et l’envie) de fréquenter un homme « au corps amoindri », la jeune femme va pourtant sentir quelque chose bouger en elle…
Commentaire du Premier Jury :
Ce josei traite du difficile sujet du handicap sur un ton très juste. Le lecteur est amené à s’interroger : « et vous, vous sentiriez-vous capable de vivre une histoire d’amour avec un handicapé ? ». La force et la persévérance d’Itsuki, la sensibilité et la tendresse de Tsugumi, apportent beaucoup d’émotions au lecteur. Aucun détail n’est caché concernant la vie quotidienne d’Itsuki. Il y a aussi le regard des autres, la gêne, la compassion… et même la difficulté d’allier emploi et handicap. La mangaka parvient à traiter ce sujet difficile sans tabou avec beaucoup de sensibilité et de poésie. Certaines situations sont très poignantes et la qualité des dialogues entre les personnages principaux et secondaires ne laissent pas insensible. De nombreuses explications médicales sont également fournies au fil de la lecture afin de faciliter la compréhension.
Sylvie ( blogueuse « Fleurs de Sakura Manga »)
Commentaires des traductrices :
Perfect World est une œuvre passionnante et frappante, qui nous confronte aux problèmes sociaux liés au handicap. Le travail de traduction me procure une envie de recherche constante de ce que l’on pourrait interpréter du point de vue du lecteur. Ce n’est pas une tâche aisée du fait de la différence linguistique et culturelle entre nos deux pays, dont diffère la sphère sociale. Mais ma collaboration avec Nathalie m’a permis d’exprimer ce ressenti, que l’on pourrait caractériser par une forme de non-dit, de tabou, vis-à-vis du handicap. Et de ce fait, nous arrivons à faire passer un message universel.
Chiharu Chujo
Travailler sur le texte de Perfect World est une magnifique aventure : en effet, ce titre traite d’un sujet difficile et peu abordé en manga – le handicap – d’une façon aussi sensible que réaliste. Jamais de misérabilisme, beaucoup d’espoir. Cette grande humanité se traduit jusque dans des dialogues faussement simples, toujours précis, qui touchent au cœur.
Nathalie Bougon
One-Punch Man
Titre : One-Punch Man
Titre japonais: ワンパンマン
Auteurs : One / Yusuke Murata
Traducteur : Frédéric Malet
Editeur : Kurokawa
Genre : Shonen
Nombre de volumes : 9
Résumé :
Saitama est un jeune homme sans emploi et sans réelle perspective d’avenir, jusqu’au jour où il décide de prendre sa vie en main. Son nouvel objectif : devenir un super-héros. Il s’entraîne alors sans relâche pendant trois ans et devient si puissant qu’il est capable d’éliminer ses adversaires d’un seul coup de poing. On le surnomme désormais One-Punch Man. Mais rapidement, l’euphorie du succès cède place à l’ennui, car lorsqu’on est si fort, les victoires perdent de leur saveur…
Commentaire du Premier Jury :
One-Punch Man est une œuvre magistrale. Mise en scène au dynamisme inépuisable, intelligence du character-design, humour irrésistible… Toutefois, à notre humble avis l’essentiel est ailleurs. En appuyant son manga sur la pop-culture des années 1980 – le shônen d’action-aventure et le tokusatsu – Yûsuke Murata jette un pont entre deux époques, deux générations de lecteurs. One-Punch Man devient ainsi un terrain d’échanges et de réflexion, au sujet de cette pop-culture et de son évolution ces quarante dernières années. Quant au travail de traduction, il évite le piège du « trop », répercutant là où il faut l’humour parodique et les jeux de mots, utilisant ailleurs une langue simple, vive et teintée d’oralité.
Laurent Lefebvre (rédacteur, Coyote Mag)
Commentaire du traducteur :
Lorsque j’ai commencé la traduction de One-Punch Man, je me demandais si j’allais réussir à restituer tout le fun de ce manga, dont je suis avant tout, moi aussi, un lecteur. Car la principale difficulté consiste à retranscrire l’humour présent dans les innombrables jeux de mots et dans le parler des personnages. À ce propos, il faut aussi saluer l’éditorial de Kurokawa et l’équipe d’ADN avec qui nous mettons régulièrement nos idées en commun. J’espère que les lecteurs prennent autant de plaisir à lire ce manga que j’en prends à le traduire, et si je réussis à les faire rire, c’est encore mieux !
Frédéric Malet
Innocent Rouge
Titre : Innocent Rouge
Titre japonais: イノサン
Auteur : Shin’ichi Sakamoto
Traducteur : Sylvain Chollet
Editeur : Delcourt
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 13
Résumé :
Dans Innocent Rouge, place à la révolution française vue à travers les yeux de Charles-Henri Sanson.
À l’aube de la Révolution, Charles-Henri Sanson, maître des hautes œuvres de Paris, règne sur la famille des exécuteurs de France. Sa jeune soeur Marie-Josèphe, en charge de l’office de Versailles, devient incontrôlable à la mort d’Alain, son premier amour. Elle se jure de le venger en éliminant son assassin et ne recule devant rien pour renverser le système injuste qui lui a coûté la vie.
Commentaire du Premier Jury :
Innocent Rouge est une œuvre fonctionnant sur la subtilité et la nuance, cela tant graphiquement que dans ses textes. La traduction d’un tel manga présente des difficultés mais le traducteur a su éviter ces écueils. Les différents champs lexicaux (les nobles face au peule), une précision dans le choix des mots concernant le travail de bourreau (explicite mais jamais vulgaire) et enfin, une compréhension immédiate d’un parlé du 18ème siècle pour des lecteurs contemporains font de cette traduction un travail soigné et respectueux du caractère unique de cette œuvre.
Florence Torta (autrice BD)
Commentaire du traducteur :
Décapitation, écartèlement, écorchement, pendaison, brodequins… Moi qui frémis à la vue d’une banale seringue, le premier défi que m’ont posé Innocent, puis Innocent Rouge, a été de surmonter mon « hématophobie » pour faire face aux scènes de supplices effroyablement réalistes dessinées par Shin’ichi Sakamoto.
La traduction de cette étonnante saga de la famille Sanson, à travers le prisme de laquelle on redécouvre tout un pan de l’histoire de France, s’accompagne au fil des tomes d’un constant travail de recherches et de documentation, tant pour démêler la part de vérité historique et la part de fiction, que pour trouver le vocabulaire adéquat et essayer d’établir un ton approprié à la série, ni suranné ni trop moderne.
Sylvain Chollet
Golden Kamui
Titre : Golden Kamui
Titre japonais: ゴールデンカムイ
Auteur : Satoru Noda
Traducteur : Sébastien Ludmann
Editeur : Ki-oon
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 8
Résumé :
Saichi Sugimoto est une véritable légende de la guerre russo-japonaise du début du 20ème siècle. Surnommé « l’Immortel », il a survécu aux pires batailles menées dans la région la plus sauvage du Japon : Hokkaido. Mais quand le conflit se termine, il se retrouve seul et sans le sou. C’est alors qu’il apprend l’existence d’un fabuleux trésor de 75 kilos d’or accumulé par les Aïnous, peuple autochtone vivant en harmonie avec la nature. Mais le trésor a été volé, puis caché, par un homme enfermé dans la pire prison de Hokkaido. Les seuls indices menant au butin sont de mystérieux tatouages, inscrits sur la peau-même de criminels évadés.Pour Sugimoto, la chasse au trésor est lancée !
Commentaire du Premier Jury :
La générosité est totale : en plus d’être un western homérique redoutablement découpé, Golden Kamui pratique l’immersion folklorique et invite le lecteur au défrichage d’une culture précieuse et fragile, celle de la minorité aïnoue. Alliant souffle romanesque et précision documentaire, Satoru Noda déroule des péripéties aux multiples ruptures tonales pour un résultat miraculeusement organique. Passant de quelques saillies gore et épiques à des parenthèses culinaires ultra détaillées, le mangaka précipite ses personnages dans un chaudron alchimique dont il maitrise tous les ingrédients. La densité de l’entreprise méritait bien une traduction à la hauteur des ambitions de Noda ; le travail, nourri, perspicace et fluide, de Sébastien Ludmann, s’impose alors comme une donnée essentielle à la pleine appréciation de cette œuvre dans sa version française.
Fausto Fasulo (rédacteur en chef, Atom)
Commentaire du traducteur :
Lorsqu’on m’a offert de travailler sur Golden Kamui, j’ai été tiraillé entre l’enthousiasme du lecteur et le pressentiment que la tâche serait complexe ; aux difficultés classiques inhérentes à la densité du texte s’ajoutaient des problèmes spécifiques : transcription de la langue aïnou, termes militaires ou botaniques sans équivalents, transposition de l’arrière-plan culturel…
Mais j’ai finalement relevé le défi, et mes appréhensions se sont transformées en satisfactions : l’établissement du lexique aïnou en concertation avec les éditeurs français et japonais brise la routine solitaire du traducteur et m’apprend une langue nouvelle. Quant au travail de recherche, il m’a amené deux fois dans les montagnes enneigées d’Hokkaido, à la découverte d’une culture incroyablement riche, alors aujourd’hui, je dis : « Merci, Golden Kamui ! »
Sébastien Ludmann
Dead Dead Demon’s Dededede Destruction
Titre : Dead Dead Demon’s Dededede Destruction
Titre japonais: デッドデッドデーモンズデデデデ デストラクション
Auteur : Inio Asano
Traducteur : Thibaud Desbief
Editeur : Kana
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 6
Résumé :
Depuis 3 ans, le ciel de Tokyo est recouvert par un gigantesque vaisseau spatial extra-terrestre. Pourtant, aucune attaque de la part des extra-terrestres n’est recensée bien que les humains abattent, avec une facilité déconcertante, les petits vaisseaux qui sortent de temps en temps du ventre de l’immense engin…
Pendant ce temps, sur Terre, les deux amies Kadode et Ôran, comme la majorité des humains, ne prêtent plus attention à ce vaisseau et continuent à vivre leur vie. Mais ces 3 années de paix ont endormi la vigilance de l’Humanité… Elle ne remarque pas que « l’envahisseur » s’est infiltré au sein de sa population. Et il pourrait bientôt troubler leur paisible quotidien !
Commentaire du Premier Jury :
Auteur important et extrêmement talentueux dans le monde du manga, Inio Asano revient en très grande forme avec ce titre, assurément un des meilleurs manga seinen de ces dernières années. Avec une Terre promise à sa destruction dans 6 mois à venir, cette histoire accessible et intelligente, au dessin fabuleux, sait tenir en haleine le lecteur. Asano est incontestablement un auteur emblématique parmi la nouvelle génération. la traduction semble au diapason du talent d’Asano toujours juste et inventive dans le choix des mots pour transcrire son imagination profondément originale.
Jerôme Marcot (libraire, FNAC Montparnasse)
Commentaire du traducteur :
Inio ASANO ne propose jamais deux fois le même manga. Il le prouve encore une fois avec Dead dead demon’s dededede destruction (DDDDD), récit de vies ordinaires dans une situation pour le moins extraordinaire : une soudaine invasion extraterrestre, annonciatrice de la fin du monde.
Le contexte n’est en réalité qu’un prétexte pour raconter les turpitudes de la vie d’une bande de copines, toutes dotées d’une très forte personnalité.
Kadode et Ôran, héroïnes aussi attachantes que déjantées exercent un véritable pouvoir de séduction sur le lecteur. Parvenir à restituer tout leur charme est le principal défi de la traduction de DDDDD.
Thibaud Desbief
Chiisakobe
Titre : Chiisakobe
Titre japonais: ちいさこべえ
Auteur : Minetaro Mochizuki
Traducteur : Miyako Slocombe
Editeur : Le lezard noir
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 4
Résumé :
Shigeji, jeune charpentier, perd ses parents et l’entreprise familiale, « Daitomé », dans un incendie. Se rappelant les paroles de son père, « quelle que soit l’époque dans laquelle on vit, ce qui est important, c’est l’humanité et la volonté », il fait le serment de reconstruire Daitomé.
Mais son retour à la maison natale s’accompagne de l’arrivée de Ritsu, amie d’enfance devenue orpheline et qu’il embauche comme assistante, et de cinq garnements au caractère bien trempé échappés d’un orphelinat. La cohabitation va faire des étincelles.
Commentaire du Premier Jury :
Certaines bandes dessinées ne se laissent pas facilement cerner, c’est le cas de Chiisakobé. Difficile de trouver un manga qui exprime avec autant d’acuité la « japonité » dans ce qu’elle a de plus intime. Iceberg émotionnel, le héros, Shigeki, ne laisse émerger qu’une infime part de ses sentiments. Contraint de jouer le rôle que la société lui attribue d’office, il nous révèle en creux l’exotisme du vivre-ensemble nippon. La parole est rare dans Chiisakobé, donc d’autant plus précieuse : chaque mot prononcé souligne avec justesse et fluidité les longs moments de silence. Une autre façon d’être aux autres, sobrement mais intensément saisie dans une belle BD.
Sébastien Langevin (rédacteur en chef, Le français dans le monde)
Commentaire de la traductrice :
Il y a des œuvres qu’on prend un plaisir particulier à traduire, et Chiisakobé en fait assurément partie. Les personnages s’y expriment plus à travers leur attitude et leurs gestes que leurs paroles, mais cela donne d’autant plus de poids à chacune de leurs répliques. À l’instar du maître-charpentier Shigeji, j’ai essayé de travailler avec respect et minutie, à la recherche des mots justes qui permettraient de provoquer chez les lecteurs francophones la même émotion que celle qui m’a submergée en lisant ce manga.
Miyako Slocombe
Le club des divorcés
Titre : Le club des divorcés
Titre japonais: 離婚倶楽部
Auteur : Kazuo Kamimura
Traducteur : Samson Sylvain
Editeur : Kana
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 2
Résumé :
L’auteur Kazuo Kamimura s’attaque à un tabou toujours vivace de la société japonaise : le divorce.
Le « Club des Divorcés » est un petit bar à Ginza géré par Yukô, jeune femme de 25 ans, divorcée. Elle devient la « mama » du bar après son divorce afin de subvenir aux besoins de sa petite fille de trois ans. Dans cette série en deux tomes, on découvre le quotidien difficile d’une hôtesse, patronne et femme divorcée dans le Japon des années 70.
Commentaire du Premier Jury :
Maître des espaces négatifs, tirant parti des vides comme des aplats pour conférer une stupéfiante intensité à ses dessins, Kazuo Kamimura parvient dans le Club des divorcés à transposer cette frugalité visuelle au niveau du texte. Engagée sur le sentier escarpé de la liberté, Yûko y joue son destin dans un éloge de l’insignifiance, de la promenade en silence, du demi-mot. Au bord de son comptoir, le flirt et le tête-à-tête anodin deviennent alors des moyens d’éloigner la fin des idéaux (la passion amoureuse, le mariage, la famille…) autant qu’une façon de révéler une époque.
Marius Chapuis (journaliste, Libération)
Commentaire du traducteur :
Le Club des divorcés de Kamimura Kazuo est une peinture aiguisée de la société japonaise et de de la situation des femmes lorsqu’elles sortent du cadre du mariage. C’est un manifeste féministe engagé qui décrit minutieusement l’une des clés de la culture japonaise: le bar, le « club », où se nouent des liens complexes entre la tenancière et ses clients. C’était donc une expérience incroyablement enrichissante, tout autant qu’un véritable challenge, que de naviguer dans ces niveaux de langue, entre distance marquée et familiarité, messages dissimulés et déclarations éméchées. Travailler cette langue, qui se délie sous l’effet de l’alcool, c’est aussi traverser les arcanes de la société japonaise, et tenter d’en décrypter les règles qui régissent les rapports entre hommes et femmes.
Samson Sylvain
Takane & Hana
Titre : Takane & Hana
Titre japonais: 高嶺と花
Auteur : Yuki Shiwasu
Traducteur : Sayaka Okada & Manon Debienne
Editeur : Kaze
Genre : Shojo
Nombre de volumes : 8
Résumé :
Hana, lycéenne de 16 ans, est contrainte de prendre la place de sa sœur lors d’une rencontre arrangée ! Présentée à l’héritier du grand groupe Takaba, le très séduisant Takane Saibara, la jeune fille déchante vite face à son arrogance. N’y tenant plus, elle lui jette ses quatre vérités à la figure, croyant se débarrasser ainsi de lui. Pourtant, dès le lendemain, Takane lui propose un nouveau rendez-vous, à croire qu’il en redemande ! Elle a un sacré caractère… et il aime ça !
Commentaire du Premier Jury :
Un shojo pétillant, drôle et dynamique ! L’histoire est très intéressante grâce à la personnalité de Hana et Takane même s’il y a 10 ans de différence entre eux. Hana est un garçon manqué qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui n’hésite pas à dire ses quatre vérités à Takane. Elle est très spontanée tandis que Takane est riche, autoritaire, arrogant et nul en relations humaines en dehors de son travail. Leur rencontre va bouleverser leur vie et le lecteur va beaucoup en rire. Chaque réplique fait mouche et met bien en valeur les caractères et les situations sociales complètement opposés des personnages.
Sylvie ( blogueuse « Fleurs de Sakura Manga »)
Commentaire des traductrices :
Takane et Hana sont deux personnages à fort caractère, et chacun de leurs échanges est un véritable match de boxe où volent des répliques aussi drôles que cinglantes. Mais derrière ces « piques » se profilent des sentiments naissants, que l’un comme l’autre ne veut avouer. C’est là que repose toute la difficulté de la traduction : comprendre les sens cachés, et les traduire sans trop les dévoiler. C’est dans ce genre d’exercice que nous comptons le plus l’une sur l’autre afin de préserver la psychologie des échanges entre les deux personnages et de les retranscrire au mieux.
Sayaka Okada et Manon Debienne