1/ Mehdi, Born to be on Air ! d’Hiroaki Samura figure au sein des 10 titres nommés au Prix Konishi pour la traduction de manga. Nous espérons que cette nouvelle vous a fait plaisir. Peux-tu nous parler de ce titre, des raisons pour lesquelles vous avez décidé de le publier ? le thème de la radio ?
Figurer parmi la toute première sélection manga du Prix Konishi nous ravit au plus haut point ! Nous remercions chaleureusement les membres du premier jury d’avoir su apprécier le travail réalisé sur ce petit bijou de Hiroaki Samura.
Le seul nom de cet auteur mérite qu’on s’intéresse à chacune de ses nouvelles publications. Born to Be on Air! tranche radicalement avec ce pour quoi ce maître de l’action sanglante est connu, et c’est ce qui nous intéressait : proposer un manga de Samura dans un registre où on ne l’attendait pas. Le fait que l’oeuvre confirme ses qualités et son rapide succès dithyrambique au Japon ont conforté notre choix.
Même si ça n’a pas été le facteur-clef dans notre décision, l’univers de la radio, lui, s’avère être un background original que Samura traite avec talent. On adore sa façon de nous en dévoiler tous les rouages via un travail de documentation et une représentation graphique superbement détaillés.
Born to be on air !
Titre : Born to be on air !
Titre japonais: 波よ聞いてくれ
Auteur : Hiroaki Samura
Traducteur : Anaïs Koechlin
Editeur : Pika
Genre : Seinen
Nombre de volumes : 3
Résumé :
Sapporo, Hokkaidô. Dans un bar, Minare Koda peste contre son ex-copain auprès d’un journaliste radio qu’elle vient tout juste de rencontrer. Le lendemain, quelle n’est pas sa surprise d’entendre sa voix enregistrée et diffusée à la radio ! Folle de rage, elle fonce à la station, mais sur place, les paroles enjôleuses du directeur d’antenne l’incitent à improviser une diatribe sur sa philosophie amoureuse. Invitée à entrer dans le monde de la radio par un tour du destin et dotée d’un caractère bien trempé, Minare va voir sa vie violemment bouleversée…
Commentaire du Premier Jury :
La radio c’est avant tout des mots, c’est dire l’importance d’une traduction réussie pour cette œuvre de Hiroaki Samura, un mangaka qui aime créer des protagonistes bavards qui plus est. Anaïs Koechlin de Black Studio a donc réussi ce tour de force en se mettant dans la peau de la fougeuse Minare, pour lui donner une âme et un langage propre, qui varie entre sa vie de tous les jours, avec ses coups de flips ou coup de colères épiques et un phrasé complexe et barré, mais curieusement prenant, lorsqu’elle est au micro. Chapeau.
Paul Ozouf (rédacteur en chef, Journal du Japon)
Commentaire de la traductrice :
J’ai travaillé sur le premier volume de Born to Be on Air! presque en immersion complète, pour retrouver la voix de Minare, l’héroïne, sa verve et son culot. Dans ces instants, je me surprenais à répéter ses répliques pour trouver le ton juste, même lorsque je n’étais plus devant mon ordinateur. Le texte de Samura est à l’image de son dessin, nerveux, dense, orchestral. Il a fallu recréer ça en français, sauter d’une idée à l’autre avec la même vivacité et la même fluidité, jongler avec son humour sans perdre le lecteur, zigzaguer entre les références, quitte à passer des heures à se renseigner sur la loi d’entropie ou la chronique des trois royaumes. À chaque volume, c’est à la fois étourdissant et jouissif !
Anaïs Koechlin
2/ Quelle a été l’accueil du public pour ce titre très différent de L’Habitant de l’Infini qui a fait connaitre Hiroaki Samura en France ?
L’Habitant de l’Infini est une oeuvre qui a marqué beaucoup de lecteurs au Japon et en France par sa violence qu’on peut qualifier d’artistique. Alors apprendre que son illustre auteur signait un nouveau manga où il promettait qu’aucun de ses personnages ne mourraient a intrigué le public autant que nous ! À l’arrivée, le succès critique est bien là et c’est la série de Samura qui fonctionne le mieux derrière L’Habitant de l’Infini, ce dont nous ne sommes pas peu fiers.
3/ Le personnage principal est donc une jeune femme d’Hokkaido qui n’a pas sa langue dans sa poche, ce qui a dû être un sacré challenge pour le traducteur, non ? Comment s’est passée la traduction de ce titre?
La traductrice, Anaïs Koechlin, a beaucoup travaillé sur le rendu en français, afin qu’il produise le même effet qu’en japonais. Dans Born to Be on Air!, il est souvent nécessaire d’aller au-delà de la traduction littérale et d’accentuer le ton effronté. Les Japonais ayant généralement une expression plus réservée et pudique que les Français, la tonalité culottée de Minare aurait semblé sage en français, si elle avait été proposée à l’identique. Il faut sans cesse adapter le style à travers le prisme de la langue française pour que les lecteurs français ressentent la même émotion que les lecteurs japonais.
Anaïs s’est également employée à insuffler une intemporalité au langage de Minare. Au fil des pages, elle lui a donné un registre bien à elle, avec ses étrangetés et son originalité, tout comme en japonais. Le piège aurait été de verser dans un registre de plus en plus daté au fil des années. Pas de verlan, pas de termes trop « tendance » qui deviendront ringards très vite, s’ils ne le sont pas déjà !
4/ L’actualité de ce début d’année en matière de bande dessinée et de manga, c’est bien sûr le Festival International de Bande Dessinée d’Angoulême, qui accueille cette année entre autre une énorme exposition Fairy Tail , un titre phare dans le catalogue Pika. Un mot sur cette exposition ?
Cette exposition va être un vibrant hommage au travail de titan qu’a abattu Hiro Mashima sur Fairy Tail durant près de 12 ans. Il y a eu un gros effort effectué par les organisateurs pour offrir aux visiteurs une immersion qu’ils ne seront pas près d’oublier ! L’occasion parfaite pour les conquis de célébrer leurs héros et pour les non-conquis de plonger sans plus attendre dans cette référence du shônen !
5/ Fairy Tail ne figure malheureusement pas au sein des titres nommés mais parlons-en tout de même. Sur une série shonen à succés aussi longue, avec autant de personnages ayant chacun sa petite histoire, ses techniques de combat, le ou les traducteurs doivent facilement s’y perdre. Peux-tu nous parler du travail de préparation et de documentation qui accompagne la traduction d’un shonen à succés ?
La série sera peut-être nommée l’année prochaine, qui sait !
Le traducteur et la personne en charge du suivi éditorial de la série ne sont pas trop de deux pour veiller à la cohérence dans la myriade de personnages apparaissant dans Fairy Tail. Un fichier, appelé plus communément « bible », est mis à jour à chaque fin de volume : celui-ci se présente sous la forme d’un tableau regroupant l’ensemble des noms de personnages, de lieux, d’objets, de techniques de combat et autres. On y trouve les équivalents en japonais pour référence et les termes existant déjà en langue anglaise (Fairy Tail est publié aux États-Unis) pour pouvoir opérer le meilleur choix possible en langue française.
Les choix retenus, notamment pour l’orthographe des noms des personnages, peuvent être soumis en approbation à l’éditeur japonais afin notamment de veiller à l’harmonisation avec la version animée.
6/ Outre l’exposition Fairy Tail à Angoulême, quelle est l’actualité du catalogue Pika ? De nouvelles tendances ? de nouveaux projets à venir ?
La fantasy grand public va rester un axe éditorial important pour Pika et la sortie en mars prochain de L’Atelier des Sorciers sera en librairie pour le prouver ! Kamome Shirahama, une jeune artiste dont ce sera la première oeuvre en France, propose un univers de Magie fascinant et n’est ni plus ni moins que la J.K. Rowling du manga à mes yeux.
C’est un véritable coup de coeur de toute l’équipe Pika et nous réservons bon nombre de surprises autour de ce titre cette année !
7/ Une anécdote intéressante ou amusante à propos de la traduction ?
Pour revenir à Born to Be on Air!, il y a un gros travail de la part de la traductrice pour restituer le style fougueux et brut de pomme de son héroïne. De fait, certaines réparties connaissent une infinité de versions jusqu’à obtenir satisfaction, et il n’est pas rare qu’il y ait des modifications jusqu’à la dernière étape avant impression de l’ouvrage…
Ce n’est pas toujours très confortable pour l’équipe éditoriale, mais c’est pour la bonne cause !